Quel rapport entre parti et mouvement social ?

Une invitation au débat entre le mouvement social et FI, EELV, PCF

Une invitation au débat entre le mouvement social et FI, EELV, PCF

À l’occasion du communiqué de presse d’EELV sur les « bassines », je me suis rappelé un débat ancien sur les relations entre les partis politiques et le mouvement social (associatif et syndical). Je me suis grandement inspiré d’un texte de René Mouriaux.

Qui domine ?

Pour éclaircir ce débat il faut rappeler pourquoi le débat est vif.

Au niveau syndical notre pays a connu il y a quelques lustres une hiérarchie entre la CGT et le PCF. La ligne politique de la CGT était décidée directement depuis le PCF. Nous avons connu une fédération hyper-majoritaire dans l’Éducation nationale (la FEN) qui, après  l’arrivée à la présidence de F. Mitterand en 1981, empêchait toute mobilisation contre la politique des gouvernements du Parti Socialiste au pouvoir.

En décidant d’une manifestation un samedi en pleine contestation sociale, France Insoumise a voulu contraindre par deux fois  la CGT à se solidariser avec elle et a échoué à chaque fois. Il a fallu la médiation d’une association et une règle du jeu prudente pour que la Marée populaire du  26 mai puisse exister et allie syndicat, partis et associations sur un même appel.

Le communiqué d’EELV sur les bassines déclare «nous nous réjouissons que de plus en plus de citoyen-es, de formations politiques et de collectivités prennent aujourd’hui la même position [que EELV]» laissant entendre que l’écologie politique est la source, le fleuve et la mer de l’écologie (et en avalisant en contre-bande l’alliance avec le Parti Socialiste).

Le débat ici n’est pas de savoir si les élu-es PCF, PS, FI ou EELV ou de quelque autre parti que ce soit sont honnêtes/utiles/efficaces/fidèles/meilleur-es/ou pas, même si ce débat est par ailleurs intéressant et nécessaire.

Il s’agit de savoir si le mouvement social, qui ne se consacre qu’à certains aspects de la société (bassines, alimentation, service public, etc) ou à certaines catégories de personnes (le champ de syndicalisation de chaque organisation syndicale, les LGTBI, etc), doit être en position de subordination des partis politiques qui sont, eux, censés s’occuper de tous les problèmes et solutions pour l’ensemble de la société.

Dit autrement, l’action du mouvement social est-il inférieure ou au moins d’une importance plus limitée, symboliquement et concrètement, que celui des partis qui représenteraient un forme d’intérêt général ?

La discussion sur ce point ne peut aboutir à mon avis qu’en se gardant du piège de l’adjectif « politique ».

Politique, c’est quoi ?

« Politique » c’est la vie de la cité. Quand je choisi de manger bio, d’acheter au marché, de revendiquer les valeurs du Service public, de défendre l’accueil des migrant-es, d’utiliser les logiciels libres et l’écriture inclusive, je fais des choix politiques. Et même s’abstenir de choisir est… un choix.

Les organisations non politiques, non partidaires, font également des choix politiques. Alternatiba se bat pour « changer le système, pas le climat ». « Zéro déchet » choisi de changer les comportements individuels des consommatrices et consommateurs. Certains syndicats de l’Éducation national font le choix du « tou-tes éducables » tandis que d’autres font le choix de la sélection et du « mérite », pour ne citer que ces quelques exemples.

En clair, individus et organisations non partidaires s’occupent de ce qui est politique.

C’est d’ailleurs au nom de ces choix que individus et organisations non partidaires peuvent approuver/contester UNE politique du pouvoir.

Car il y a aussi LA politique des partis « politiques » dont le but est la conquête/exercice/conservation du pouvoir, là où il y a à la fois l’argent, le monopole de certaines contraintes (police, impôts, etc.) et la cristallisation d’un rapport social à un instant T (actuellement le néo-libéralisme)

Que (ne pas) faire ?

Toute tentative de subordonner LE politique à LA politique est dangereuse car elle réduit LE politique à LA politique, subordonne l’exercice de la citoyenneté à l’exercice d’un pouvoir, dans un rapport de domination, sans prendre en compte les contradictions de la vie réelle.

Le meilleur garant contre la tentative hégémonique d’un parti est encore un fonctionnement transparent et démocratique du mouvement social. C’est également de bien définir la spécificité du mouvement qui ne vise pas à conquérir le pouvoir, à édicter les règles générales de fonctionnement de la société mais à défendre des personnes et des causes au nom de valeurs et de choix politiques.

Pour les partis – nécessaires à mon avis par l’existence de l’État et des pouvoirs qui en découlent – il s’agit d’accepter la critique et la précarité du pouvoir.

Tout ça fait beaucoup de contraintes et déplace le plaisir du militantisme vers des zones pas très confortables.

Mais tellement plus satisfaisantes.

Pascal Canaud

Rédaction

2 réactions sur “Quel rapport entre parti et mouvement social ?

  1. Tout cela nous donne beaucoup à réfléchir,ce qui me chagrine, c’est que je ressens des positions figées de part et d’autres , ceux-celles qui choisissent d’évacuer « le politique » disent nous avons raison , ceux-celles qui choisissent de continuer à faire vivre un parti dans son fonctionnement au service de valeurs semblables à celles prises par des mouvements sociaux dont ils font aussi bien souvent partie prenante et active pensent aussi qu’ils ont raison , ils revendiquent l’action étiquetée politique car, ils ont l’honnêteté de dire qu’ils iront face au verdict du vote des citoyens.Les » mouvements » qui veulent surtout ne pas être un Parti, (on dirait que c’est devenu un mot grossier )me font penser à une pub pour un apéritif sans alcool, ça a le gout , la couleur mais ce n’est pas…. fonctionnent très vite comme un Parti et se déclarent Parti après les suffrages de la même manière, ils-elles se réclament de leaders charismatiques, ils-elles veulent croire à plus de démocratie de cette façon, qu’en est il réellement?.
    J’aurai plaisir à échanger et très particulièrement sur le thème du dernier paragraphe Que(ne pas) faire ?
    Ne jamais se priver de réfléchir ensemble me tient à coeur.

  2. Maïte, loin de moi l’idée de réfuter la nécessité des partis. Je ne me retrouve dans aucun actuellement ce qui ne veut pas dire que je pense qu’il ne faut pas de parti. Je suis plus en attente, comme tant d’autres. Pas en attente de politique mais en attente de parti.
    Mais la concurrence électorale (nécessaire, comme tu l’expliques) incite à l’identité du groupe (je suis de tel ou tel parti car c’est le meilleur). Et cela n’est pas propre aux partis. Les associations et les syndicat font pareil : aussi mal.
    La question que je pose est : quelle est la règle du jeu pour que l’habitude de la « récupération » d’un mouvement social par un parti ne tendent pas à geler, à terme, la vivacité des mouvements sociaux : vaste question !

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