L’incursion de Linky à l’école nous pose différentes questions.
En ces temps d’état d’urgence quasi-institutionnalisé, il nous semble étonnant – et inquiétant – que les poseurs de Linky (ici, l’entreprise Boutineau) puissent entrer aussi facilement dans une école, sans même, semble-t-il, avoir pris rendez-vous avec la direction.
Dans le cas relaté dans la presse locale, la pose s’est faite en 2 fois : le premier Linky a été posé à la cantine, ce que la directrice n’a découvert qu’après coup, et le reste de la pose s’est effectué quelques jours plus tard, les agents de service de l’école étant seuls avisés.
Quelqu’un de mal intentionné, porteur d’une fausse carte de poseur et d’un objet malfaisant déguisé en Linky, passerait donc facilement la barrière (très symbolique) de Vigi-Pirate ?!
Comme dans la plupart des cas, ici et sur tout le territoire, on pose le plus discrètement possible, profitant de la désinformation, voire de la mésinformation et de la manipulation généralisées. Mais si, de plus en plus, les médias se font – enfin – le relais des citoyens résistant à titre individuel et au sein de collectifs, voire de quelques courageux et encore trop rares élus qui ont délibéré contre l’invasion de l’alien vert fluo, on ne parle pas de l’entrée de Linky dans les bâtiments publics, et en particulier dans les lieux recevant des enfants.
La loi Abeille (fin janvier 2015) aborde timidement le sujet, interdisant la wifi dans les établissements accueillant des enfants de moins de 3 ans et préconisant, dans les écoles primaires, de désactiver les boîtiers wifi en dehors des activités pédagogiques numériques. Elle oblige également la signalisation de la wifi par un pictogramme pour tous les lieux publics – l’école en est un et pas sûr que ce pictogramme y figure : beaucoup de parents interrogés ne savent pas si la wifi est présente dans l’école de leur enfant.
Et puis – détail qui en dit long – la loi Abeille n’a pas de décret d’application !
La Charte de l’Environnement, encadrée par la loi constitutionnelle n°2005-205, dit, dans son article 1er : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
Elle dit également, dans son article 7 : « Toute personne a le droit (….) d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
L’Agence Européenne de l’Environnement (AEE) a publié, en 2001 et 2013, 2 énormes sommes de réflexions intitulées : « Ce que coûte d’ignorer les signes avant-coureurs – Signaux précoces et leçons tardives ». Ce rapport examine des cas spécifiques pour lesquels les signaux d’alarme ont été ignorés, provoquant pour certains la mort, la maladie et la destruction de l’environnement : empoisonnement au mercure industriel, problèmes de fertilité causés par les pesticides, perturbateurs endocriniens présents dans les plastiques, produits pharmaceutiques modifiant les écosystèmes… Le 2e rapport s’intéresse en particulier aux signes avant-coureurs provenant des nouvelles technologies : téléphones mobiles, OGM, nanotechnologies… Concernant la question de la nocivité des ondes, il s’est appuyé sur 2 salves de 1500 et 1800 études indépendantes, effectuées, sur 10 ans, par des chercheurs de 6 pays, qui concluent tous sur l’urgence de nouvelles normes de protection.
Les technologies, dit le rapport de l’AEE, sont désormais approuvées plus vite que par le passé et souvent adoptées dans le monde entier. Cela signifie, selon le rapport, une possibilité de propagation rapide et accrue, dépassant la capacité de la société à comprendre, reconnaître et réagir à temps pour éviter les conséquences néfastes.
Le rapport recommande une plus large utilisation du principe de précaution, figurant dans notre Constitution depuis 2004, afin de réduire les risques potentiels des technologies et des produits chimiques novateurs insuffisamment testés.
Il y a 2400 ans, Hippocrate – celui auquel les médecins prêtaient serment, avant de faire allégeance à Big Pharma – dans son traité « Des eaux, des airs et des lieux », mettait déjà en avant le lien très étroit entre les maladies et le lieu où on vit. Et pourtant, la médecine environnementale et préventive n’en est encore qu’à ses balbutiements. La cause n’est pas scientifique. Reconnaître un lien de cause à effet reviendrait à remettre en question le fonctionnement même de notre société et l’existence d’intérêts économiques et financiers contraires à la préservation de la santé, de nombreuses activités humaines étant liées à des industries émettrices de pollutions de toutes sortes.
Ce qu’on appelle, aujourd’hui et depuis plusieurs décennies, le progrès – et qui, selon une citation célèbre servant de slogan à la Sncf il y a quelques années, « ne vaut que s’il est partagé par tous » – ce progrès est en train de laisser de nombreux humains sur le bord de la route. Dans notre pays, comme dans ceux dont nous exploitons les ressources environnementales et humaines au nom de la technologie et de notre confort.
Les normes industrielles ne sont rien d’autre que le nombre, acceptable par le grand public, de ces humains qu’on laissera sur le bord de la route.
L’industrie, avec notre complicité, est à l’origine d’un nouveau Darwinisme : elle sélectionne, de fait, ceux qui résisteront et survivront à l’impact des pollutions plurielles, croisées et superposées, que nous subissons, et prépare ainsi une nouvelle race d’humains.
La technologie est schizophrène : elle prétend régler les problèmes qu’elle a générés. Ce faisant, elle en génère sans cesse de nouveaux. Les technocrates ont détruit notre environnement, le rendant impropre à la vie. Peu leur importe, puisqu’ils sont déjà en train de travailler à modifier l’être humain pour le rendre compatible à ce nouvel environnement.
Linky n’est qu’une couche de plus dans ce mille-feuille de pollutions invisibles à nos yeux délibérément et négligemment distraits par tant d’autres choses (pourtant bien moins importantes). Mais il semblerait qu’il ait ouvert une toute petite fenêtre dans certaines consciences, de plus en plus nombreuses. Puisse-t-il servir de détonateur à une prise de conscience bien plus spectaculaire et explosive !
« Nos défaites d’aujourd’hui ne prouvent rien, si ce n’est que nous sommes trop peu dans la lutte contre l’infamie, et de ceux qui nous regardent en spectateurs, nous attendons qu’au moins, ils aient honte. »
Bertolt Brecht
Le 11 mars 2018
Marie Mai, du Collectif StopLinky86
Pour rejoindre le collectif : stoplinky86@framalistes.org
Désolée pour l’oubli dans l’article !
Marie Mai