
Communiqué de presse : Coup de bambou sur le Poitou
Communiqué de presse : Vienne Nature – Association de Protection de la Nature et de l’Environnement du département de la Vienne
Coup de bambou sur le Poitou
La spéculation sur les plantations de bambous est invasive : elle a déjà touché le Tarn-et-Garonne, puis l’Indre et, aujourd’hui, Availles-Limouzine.
Il ne s’agit plus d’agriculture, mais de chasse aux crédits carbone, ces « droits à polluer » attachés à toute opération de séquestration du carbone. Vendus sur le marché européen, ils constitueront le revenu principal des 481 ha que la SAFER vient d’abandonner à la société civile immobilière Rhiza-Immo qui en confiera l’exploitation à la start-up « Horizom ». En l’absence de filière bambou, ce n’est certainement pas la fourniture aléatoire à l’industrie d’une matière première « verte » qui garantira la marge brute promise : 2 500 euros par hectare et par an ! Cet alibi écologique cache mal la nature spéculative de l’opération.
Vienne Nature dénonce dans ce projet un mauvais coup porté à la fois à la biodiversité et à l’agriculture.
Il y a tromperie à prétendre que les bambouseraies réduiront davantage les émissions de carbone que le puits de carbone existant qui sera détruit avec son paysage bocager, ses boisements, ses prairies de pâture, sa polyculture… Tout au contraire, les plantations de bambou présentent l’inconvénient de toute monoculture pérenne, appauvrir le sol, mais elles feront pire : elles l’assècheront par leurs besoins en eau pour une croissance rapide et détruiront par leur couverture étouffante la biodiversité initiale. Quant aux crédits carbone associés à ces plantations, même en rêvant que la valeur de la tonne de carbone soit définie scientifiquement, ils ne feront qu’inciter l’acheteur à polluer sans état d’âme.
Ce qui se joue à Availles-Limouzine, c’est une étape importante dans la destruction d’une agriculture vouée aux cultures vivrières et à l’élevage. Couvrir le sol de cultures à vocation industrielle ou énergétique renforce la déprise agricole alors que 1 000 fermes ont disparu en Vienne entre 2010 et 2020. Avec un objectif affiché par Horizom de 50 000 ha de bambous en France, il ne s’agit plus du revenu d’appoint qui pourrait aider un agriculteur en difficulté, mais d’une main mise de la finance sur la terre, transformée en outil spéculatif avec ses conséquences sur l’agriculteur : le « partenaire » des spéculateurs risque fort d’être réduit au statut de travailleur saisonnier sans terre assurant récolte et broyage. Conséquences aussi sur le statut des terres : la difficulté d’éradiquer les racines traçantes du bambou rend la réversibilité trop coûteuse à cette échelle pour que le retour à l’agriculture soit vraisemblable.
Où donc sont passés les puissants défenseurs de notre « souveraineté alimentaire » ? Quels sont les intérêts que sert la SAFER alors que le producteur public d’eau potable, Eaux de Vienne, a vainement proposé d’acquérir plus de 100 ha sur le site du projet afin de protéger par une occupation du sol diversifiée l’aire d’alimentation du captage prioritaire de Croix de Boisse ?
Vienne Nature demande à la SAFER de jouer le jeu de la concertation en vue de solutions alternatives qui permettent le maintien et le développement du modèle agricole de polyculture-élevage avec les surfaces en herbe et les infrastructures écologiques (haies, boisements…). Ce système est indispensable à la sauvegarde de la ressource en eau, à la biodiversité et à l’emploi agricole. Vienne Nature demande aux services de l’État de diligenter une étude d’impact sur ce projet de nature industrielle aux lourdes conséquences environnementales et économiques. Encore faut-il au préalable que cette opération soit stoppée d’urgence.
Fontaine-le-Comte, 20 octobre 2025
