Alors là je vais me fâcher ! Je ne supporte plus et je pense ne pas être le seul, la manière dont on utilise aujourd’hui le vocable « républicain » pour se mettre du bon côté de la route même si celle-ci nous conduit hors des limites de la démocratie.
De l’extrême-droite maquillée à l’extrême-centre roublard, en passant par la social démocratie testamentaire, chacun y va de son arrêt, sortant l’opposant de « l’arc républicain » ou lui refusant tout simplement la qualité qui va avec le mot.
Dernier en date, après le préfet qui stigmatise les Rosa Park et autres Ghandi du futur, l’ancien maire de Poitiers, Alain Clayes, qui jette à la poubelle de l’histoire de sa ville une lutte de quelque sept ans visant à la préservation et à la régénération d’un théâtre !
Le collectif qui a animé cette lutte, dont je suis toujours le président, aurait eu et a toujours un comportement non-républicain, retardant la destruction du dit théâtre de quelques années et osant prendre la parole en public pour rappeler son combat (lors de l’inauguration dernière des vestiges du bâtiment désormais abandonné à quelques privilégiés et à une agence immobilière et dont le seul sous-sol gardera un usage public confidentiel).
Non-républicain, ce combat à coups de débats publics, de fêtes culturelles sur le parvis, de tables rondes définissant un avenir au lieu ? Non-républicaine, cette mobilisation de milliers de poitevins signataires de pétitions publiques, manifestant pour préserver un lieu culturel ? Non-républicains, tous ces militants montant des dossiers de demande de classement, interrogeant la justice sur le bien-fondé de la vente comme sur la régularité du projet de reconstruction ? Non-républicains, ces élus défendant devant les assemblées leur conviction qu’il y avait place à Poitiers pour un autre théâtre populaire et ouvert ?
Ma colère est-elle républicaine quand j’interroge l’ancien édile pour lui demander si notre victoire devant le tribunal administratif annulant la vente du théâtre n’aurait pas dû déboucher sur un débat populaire remettant tout à plat ? Est-ce républicain de constater que le maire d’alors s’est contenté de recommencer la démarche sans rien changer, sans ouvrir de concertation, comptant bien épuiser son opposition ? Est-ce républicain de rappeler que ce même maire, en accord avec la ministre la culture d’alors, son amie, ont choisi de ne pas tenir compte de l’avis négatif de la commission de désaffection des salles de théâtre, commission composée de professionnels estimant qu’un théâtre dans ces lieux avait encore toute sa pertinence ?
A quel moment sommes-nous sortis des limites de la république, n’avons-nous pas respecté ses valeurs ? Ou est-ce que le simple fait de s’opposer au pouvoir en place est devenu aujourd’hui insupportable ? Une telle confiscation du mot républicain devrait aujourd’hui alerter tous les démocrates : les dérives sont proches d’une confiscation d’un pouvoir qui ne conçoit d’autre opposition que celle qui accompagne des projets préétablis.
Monsieur l’ex-maire, nous ne sommes pas à l’extrême où vous voulez nous mettre. Votre réaction sur cet ancien dossier explique une nouvelle fois la méthode que vous avez suivie : la destruction de l’ancien théâtre a été prise sans concertation aucune et vous avez passé plus de six ans à juguler la forte opposition qui s’exprimait. Vous avez fait perdre du temps à la vie culturelle de Poitiers. N’ajoutez pas ce qui n’est qu’une misérable manœuvre de disqualification rétrospective.
J. Arfeuillère