Il a longtemps été, au carrefour de nos parcours, à la croisée de nos rencontres, à la lisière aussi de nos curiosités. L’ancien théâtre de Poitiers offrait à la ville alentours sa large vitrine toute en reflets et transparence, sous la promesse de ses enseignes successives de théâtre et de cinéma. Le regard s’attardait, aimanté par les lustres, arrêté par le verre de Pansart, rêvant tout en les contemplant, les scènes illustrées, et si on ne cédait pas tout de suite à l’invite du spectacle, on savait que derrière la vitrine, on pourrait voyager, on pourrait découvrir et frémir, s’émouvoir et penser, on s’ouvrirait des mondes, on tutoierait des consciences. Il avait en transparence une telle présence, et si miroir il y avait, c’était bien pour en questionner les deux côtés.
Qui passe aujourd’hui au pied des vestiges du théâtre disparu, ne peut que frissonner devant le spectre. La vitrine est là et le verre églomisé a un nouvel éclat. Transparence et lumière. Mais il y a l’enseigne, arrogante, déplacée, promesse de transactions immobilières, de l’échange dans le secret du marché, du contrat qui construit le privé et la propriété. La grande enseigne qui, à elle seule, vole au miroir de Pansart cet autre côté du monde qu’une scène vivante est seule à tenter de construire.
Citya est dans les murs, Thalia est bien partie. Et le nom sur la façade a désormais tout effacé. Et par la vitre transparente, on ne voit qu’une absence.
Jacques Arfeuillère
Retrouvez une interview de Jacques sur la longue lutte pour l’ancien théâtre de Poitiers : c’est ici