Un article de Yves Jean :

Devenir de la N 147. Deux logiques. La première : autoroute au coût financier et environnemental élevé pour une partie des usagers ; la seconde : un bien commun au coût financier et environnemental moindre, au service de tous.

La seconde réunion de concertation, jeudi 20 janvier à l’Université de Poitiers a permis de développer de nouveaux arguments.

Si le constat suivant est partagé, les solutions proposées reposent sur deux logiques aux finalités très différentes.

Constat : l’aménagement de la N 147 constitue un enjeu majeur pour les habitants, les salariés, les entreprises ; le risque d’accident et le temps mis pour aller d’un point à l’autre sont élevés. Il faut également prendre en compte, aspect peu évoqué par les promoteurs de l’autoroute, les enjeux agricoles et environnementaux. 28 à 31% des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont liés aux transports (1). L’impact de la construction de l’autoroute serait de 800 hectares de terres artificialisées. Cette construction aurait pour conséquences l’imperméabilisation des terrains, le morcellement d’exploitations, l’altération des linéaires de haies, élément important de l’écosystème local, l’altération des habitats de certaines espèces ou l’augmentation potentielle du risque d’inondation (rapport de concertation pp. 65-67).

Second constat : la concentration des emplois dans les agglomérations de Poitiers et de Limoges et la dispersion de l’habitat pour les salariés. Ainsi, les mobilités pendulaires – déplacement journalier du lieu d’habitat vers le lieu de travail – montrent que les salariés qui habitent dans le Montmorillonnais, la plupart ouvriers et employés, vont travailler à Poitiers ou dans les communes proches et les salariés de Bellac vont travailler à Limoges. Ainsi, 9 000 véhicules légers empruntent la N 147 de Lussac-les-Châteaux en direction de Poitiers et 7 000 véhicules légers vont quotidiennement de Bellac à Limoges. Moins de 100 personnes par jour, vont de Poitiers vers Limoges ou en sens inverse ! (rapport de concertation p.40).

Le phénomène de périurbanisation se traduit par une organisation spatiale de l’espace très sélective sur le plan social du fait du prix du foncier. En effet, le foncier est élevé aux limites de Poitiers et de Limoges et plus on s’éloigne des villes centres, plus le prix du foncier baisse. Ainsi, les espaces ruraux sont essentiellement habités par des ouvriers et employés qui consacrent une part non négligeable de leurs faibles revenus aux transports pour aller travailler.

Dans ce contexte, deux scénarios sont envisagés correspondant à deux logiques aux finalités très différentes.

La première hypothèse consiste à construire une autoroute concédée afin d’aller le plus vite possible de Limoges à Poitiers. Nous savons que plus la vitesse est élevée, plus le véhicule émet de GES. Cette autoroute améliore la sécurité des usagers. Le coût annoncé varie de 823 millions d’euros à 1,208 milliard d’euros – pour la plupart des dossiers, le coût final est plus élevé que le coût annoncé. Ainsi, le contournement de Lussac-les-Châteaux devait coûter 92 millions d’euros, ce sera 142 ! -. Ce coût financier élevé est pris en partie en charge par l’Etat et les collectivités, selon une fourchette qui va de 450 millions d’euros à 771 ; une société d’autoroute privée financerait le complément et assurerait la gestion. Le flux estimé serait de 6 500 véhicules, soit un trafic qui conduit à s’interroger sur la rentabilité d’un tel ouvrage ?

Par ailleurs, cette nouvelle infrastructure consommerait 800 hectares de terres. Enfin, le coût pour l’usager serait, de Lussac-les-Châteaux à Poitiers de 10,40 euros pour chaque aller-retour soit 200 euros par mois pour un salarié qui voudrait emprunter l’autoroute pour aller travailler. Au regard du faible flux de circulation, il y a fort à parier que le concessionnaire ne tardera pas à augmenter le tarif du péage !

Ce choix est celui du coût le plus élevé pour satisfaire une partie seulement des usagers entraînant une aggravation des inégalités sociales et territoriales. En effet, une grande partie des salariés ne sera pas en capacité financière d’utiliser l’autoroute, utilisant l’ex-N 147 qui, par ailleurs, nécessitera de la part du Département de la Vienne des aménagements, soit un coût supplémentaire pour les habitants du département ; il en sera de même pour le Département de la Haute-Vienne qui seront conduits à financer l’autoroute…et les aménagements nécessaires de l’ancienne N 147.

Face à cette logique du privé, à coût élevé pour l’État et les collectivités, au coût environnemental élevé et aux conséquences négatives pour un grand nombre d’usagers, le second scénario répond à d’autres finalités.

Ce scénario, une deux fois deux voies gratuite sur le tracé de l’actuelle N 147 de Bellac à Limoges et de Lussac-les-Châteaux à Poitiers répond aux besoins des habitants, des salariés et des entreprises. Cela répond aux besoins des 9 000 VL qui vont de Lussac à Poitiers, aux 7 000 qui vont de Bellac à Limoges pour un coût estimé à 450 millions d’euros, financés par L’État et les collectivités. Ce scénario, d’une infrastructure qui correspond à un bien public accessible à tous n’est pas ségrégative, améliore les conditions de sécurité, consomme moins d’espaces agricoles et pollue moins.

Entre Lussac-les-Châteaux et Bellac, alors que le trafic chute de 50% entre ces deux villes, des zones de dépassement peuvent être envisagées, voire, si l’Etat et les collectivités veulent financer à la hauteur envisagée de 771 millions d’euros pour l’autoroute, une deux fois deux voies sur ce tronçon ce qui permettrait d’avoir une route à deux fois deux voies de Limoges à Poitiers pour rouler en toute sécurité à 110 km/h.

L’enjeu pour les habitants est majeur et il est très important que nombreux s’expriment afin de compenser le rôle de quelques lobbies !

(1). 97 % des émissions de GES induites par les transports sont constituées de CO2 provenant de la combustion de carburants. Les transports routiers contribuent à la quasi-totalité (94 %) des émissions du secteur des transports. Les émissions liées à la circulation routière incombent à hauteur de 54 % aux véhicules particuliers, de 24 % aux poids lourds et de 20 % aux véhicules utilitaires légers. Site notre-environnement.gouv.fr

Rédaction

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