web86.info : Existe-t-il un problème de quantité d’eau disponible pour l’eau potable sur Grand Poitiers ?

Laurent Lucaud : Qu’observe-t-on d’ores et déjà ? On constate une perturbation du « grand cycle » naturel de l’eau qui se traduit par de moins en moins de précipitations. La situation actuelle pose également de graves problèmes pour la biodiversité.

On peut parler de sécheresse… hivernale. On peut même dire que nous sommes dans une situation de sécheresse continue depuis octobre 2021. Chaque mois on cumule des déficits pluviométriques. Entre octobre 2021 et aujourd’hui nous en sommes à 25 % de déficit cumulé de pluie.

En conséquence les nappes ne se reconstituent pas et le niveau des cours d’eau s’en ressent fortement.

Comme je l’avais déjà déclaré sur France info il y a réellement un risque de pénurie d’eau potable.

web86 : Sur quoi travaille la régie publique de l’Eau de Grand Poitiers ?

L. L : On ne sait pas faire tomber la pluie donc nous travaillons sur deux critères techniques.

Tout d’abord depuis 2015, nous modernisons le réseau d’eau potable. Les fuites détectées dans le réseau sont réparées sous 48h00 et nous menons un programme d’investissements des canalisations à hauteur de 2 millions d’euros ce qui représente autour de 4,5 km de tuyaux par an. Le gain sur la ressource en eau brute est de l’ordre d’un 1 million de m³ non prélevés dans les milieux par an. Cela implique bien sûr un équipement performant de détection des fuites et la formation des personnels ainsi qu’une grande réactivité de nos agents. La consommation domestique sur Grand Poitiers (13 communes) est passée de 10 millions de m³ en 2014 à 8,7 millions de m³ en 2021.

L’autre action concerne le maillage et l’extension du réseau, ce qui permet une interconnexion entre les zones d’exploitation : on déplace des milliers de m³ d’un endroit où il y a des problèmes quantitatifs d’eau potable vers un autre endroit au sein de l’agglomération. Par exemple l’eau du nord et de l’est de Grand Poitiers peut approvisionner le sud et l’ouest moins dense en maillage.  Nous développons également des interconnexions avec Eaux de Vienne, qui gère l’eau potable dans le reste du département, en cas de besoin.

Tout est déréglé, l’exceptionnel devient le quotidien ce qui créé des tensions entre les divers usagers de la ressource.

web86 : Et les bassines ?

L.L. : Il n’y a pas de retenues de substitution sur Grand Poitiers actuellement. Malgré tout il y a des problèmes de quantité d’eau disponible pour l’ensemble des usages et pour l’eau potable.

Grand Poitiers a participé et a contribué très activement au processus de concertation proposé par l’État. La communauté urbaine a donné une réponse claire concernant le protocole d’accord qu’elle ne considère pas d’intérêt général et d’utilité publique, alors même qu’elle n’est pas opposée à l’idée de substitution. Grand Poitiers demande depuis 2015 à ce qu’un Projet de Territoire soit élaboré et puisse, à la lumière d’études scientifiques, économiques et sociales, définir un partage des usages qui garantisse une eau potable de qualité, un retour au bon état écologique des milieux aquatiques et un accompagnement des transformations nécessaires du modèle agricole existant.

web86 : Qu’en est-il de la qualité de l’eau ?

L. L. : L’eau du robinet est, au sens propre, cent fois plus contrôlée que l’eau en bouteille. À titre d’exemple l’ARS (Agence régionale de Santé) fait deux prélèvements inopinés par jour. C’est la denrée alimentaire la plus contrôlée en France. En plus elle est en moyenne 300 fois moins chère que l’eau en bouteille… sans parler de l’utilisation du plastique !

web86 : Qu’en est-il des pesticides, perturbateurs endocriniens et autres molécules ?

L. L. : Les pesticides, c’est le danger immédiat, évident. Il est possible techniquement de traiter les pesticides (curatif) qui sont répertoriés dans les listes officielles. Cependant on ne connaît pas toujours toutes les molécules présentes dans nos sols.

Pour les nitrates c’est différent, quand leur présence est trop importante nous avons recours à la dilution avec des eaux moins impactées.

Mais s’il y a moins d’eau disponible ou si la qualité se dégrade de façon générale la dilution devient difficile, voire impossible. Actuellement le peu de précipitation empêche les nitrates de pénétrer dans les sols. Si notre territoire venait à connaître de fortes précipitations cela favoriserait le lessivage des nitrates dans les sols et donc dans les nappes et les rivières (C’est d’ailleurs ce qui s’est passé fin décembre).

Je tiens à rappeler que si la principale source de pollution dans les zones rurales c’est essentiellement les intrants des activités agricoles, il existe aussi des pollutions domestiques et citadine (transports, industries, rejets…).

web86 : Le prix de l’eau potable va augmenter ?

L. L. : Le budget de l’eau n’est pas financé par l’impôt mais uniquement par la facturation. L’eau est gérée à Grand Poitiers par une Régie publique : il n’y a pas d’actionnaires à rémunérer !Le budget de l’eau de même que celui de l’assainissement sont deux budgets indépendants et … étanches. Je vous renvoie à l’article de la presse locale sur le sujet et sur nos choix d’investissements d’avenir expliqués dans le dernier Mag de Grand Poitiers.

web86  : Vit-on avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes ?

L. L. : L’eau c’est le baromètre des écosystèmes. Qualité de l’air et qualité de l’eau sont vitales. C’est un enjeu fondamental de santé publique : on ne peut pas se permettre d’être déficient sur ce thème et cela dès maintenant.

Je souhaite préciser que la police de l’eau est du ressort de l’État et donc de son représentant, le Préfet. L’État pourrait décider de protéger les aires d’alimentation de captage plus qu’elle ne le fait. C’est une question de choix politiques.

Pour ma part, notre mission à Grand Poitiers est d’assurer, sur l’ensemble du territoire communautaire, une qualité de service. Cela implique un approvisionnement en eau de qualité pour l’ensemble de la population à moindre coût.

Rédaction

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