J’interroge le vieux clivage droite/gauche ( la linguistique est un sport de combat)
Les mots, même les plus abstraits contiennent des métaphores plus ou moins évidentes. Une MÉTA-PHORE c’est, étymologiquement, ce qui part d’une réalité et nous porte au delà vers une autre réalité en permettant des « rapprochements ». Les Grecs d’aujourd’hui appellent comme ça les autobus : ils attendent sur le trottoir la métaphore qui les rapprochera de leur travail ou de leur maison…
Tout langage en est pétri. Dans penser, il y a les gestes de pendre et de peser, parler vient de para-bole, lancer à côté : le langage c’est bien « ce qu’on lance à côté ». Vouloir écarter les métaphores, c’est paralyser la pensée.
Ce qui est éclairant dans la métaphore, c’est bien sûr la ressemblance mais c’est aussi la non-ressemblance. Ce qui ne coïncide pas exactement nous éclaire autant que les traits communs. À condition d’avoir en gros les mêmes références… et d’en faire un usage critique. Quand une métaphore en vient à contaminer notre perception de la réalité, mieux vaut l’abandonner.
Ceci pour introduire un examen historique de la métaphore « droite » et « gauche ».
Elle a sa source dans le fait que les humains se partagent entre droitiers et gauchers. Les droitiers, le plus souvent inconsciemment, imposent leur « pli » aux gauchers (ex : un droitier laisse la louche à droite de la soupière, le gaucher qui se sert après lui, doit faire une inversion et quand il s’est servi, il remet la louche à droite). Ça devient plus grave si ce « pli » majoritaire se renforce d’un sentiment de supériorité. C’est ce qui s’exprime dans la Bible : les « élus » sont à la DROITE du Père et les « damnés » à sa GAUCHE. Aux États Généraux le roi remplace le Père : à droite les aristos et les curés, à gauche le tiers État.
La métaphore est FAUSSÉE dès le départ : les droitiers n’ont pas « raison » sur les gauchers, mon côté droit n’est pas plus noble, plus digne d’aller au paradis que mon côté gauche, et l’inverse n’est pas plus vrai !
Dans un premier temps, à partir de 1789, la contestation a pris la forme d’une revanche : « vous me placez à gauche ? eh bien je m’y trouve mieux qu’au milieu de vos chouchous. » Ça se défend… mais on ne va pas rester coincés dans cette position !
Sous l’effet de l’illusion qui consiste à croire qu’il suffit de dire le contraire d’une erreur pour avoir raison, la fierté de siéger à gauche s’est transformée en acceptation d’une symétrie empruntée aux organismes vivants : mais JAMAIS les profiteurs de la domination n’ont mérité qu’on les compare à la moitié droite de l’organisme social ! Faire ça c’est les encourager à se forger une légitimité indue, c’est conforter l’imposture !
Les dominés s’en sont rendus complices par le biais du sport. Ils ont voulu relever le défi de la compétition : « notre camp va GAGNER sur le camp des riches ». Mais la partie est faussée : toutes les règles sont faites pour faire gagner les mêmes 25 contre le reste du monde ! Ce sont les règles de base du jeu social qu’il faut changer.
La métaphore s’adapte bien mal à la pratique : avez-vous songé que pour prendre « un virage à gauche » il faut avancer le côté droit et reculer le côté gauche ? Nous voilà embarqués sur un autobus bien bringuebalant !
Au point où nous en sommes, il ne suffit pas de « redéfinir la gauche », mais de partir sur une base conceptuelle plus solide… Le clivage D/G est une formulation dépassée et ce n’est pas trahir l’héritage des luttes que de les replacer dans une perspective plus cohérente.
Quand l’autobus tombe en panne, on en descend pour en prendre un autre ! Nous ne voulons pas mieux nous placer dans une sélection entre QUI est digne d’être sauvé (= les « élus ») et QUI doit se résigner à être condamné (= les jetables) – Non :! l’enjeu est plus radical : le pouvoir n’a pas à être DISPUTÉ mais à être INTERDIT DE CONCENTRATION.
Dans ce but, je propose comme autre « autobus », une mythique métaphore venue du fond des âges mais plus que jamais actuelle. Le pouvoir concentré est un poison : tout le monde peut en faire l’expérience, de la sphère privée à la sphère publique. Les anciens Grecs ont donné le nom d’UBRIS à cette sorte de drogue qui aveugle et rend fou. En cessant de nommer Ubris, nous lui avons laissé le champ libre.. et elle fait sournoisement des ravages ! Organisons la RÉSISTANCE à son emprise dévorante ! ( J’ai d’ailleurs remarqué que François Ruffin s’y est mis !)
La prochaine séance de « politique pour les nuls » (6 février) traitera de la « gauche ». Ce serait un acte de lucidité et de courage si vous en profitiez pour remplaciez désormais :
- « DROITE » par CAPITALISME, DOMINATION, OPPRESSION, UBRIS ( en forgeant l’adjectif UBRIQUE qui s’adapte bien à celui qui se veut le champion olympique de cette spécialité : Emmanuel l’Ubrique)
- et « GAUCHE » par ÉGALITÉ, PARTAGE ÉQUITABLE, RÉSISTANCE. Nous sommes les nouveaux Résistants, reprenant le flambeau de la Résistance trahie par les De Gaulle et Cie… Ça c’est clair !
Amitié libère Terre
Argile
une nuance pour répondre à Pascal: G et D sont des notions qui ont existé.Je ne condamne pas ceux qui ont pris le pli de s’y référer. Juste faire attention à ne pas réduire le choix à un kit d’options pré-sélectionnées… ÉGALITÉ, PARTAGE ÉQUITABLE, RÉSISTANCE sont des repères qui laissent plus d’autonomie au jugement de chacun… et de tous !