À l’heure où nous prenons enfin conscience de la nécessité de protéger l’eau, précieux bien commun, nous apprenons avec effarement que les centrales nucléaires utilisent pour leur refroidissement LA MOITIÉ de l’eau douce prélevée en France. Vous avez bien lu ! 16 milliards sur les 32 milliards de m³ prélevés annuellement (données de 2018). Bien plus que l’irrigation et même l’industrie !
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, « Un minimum vital de 20 litres d’eau par jour et par personne est préconisé pour répondre aux besoins fondamentaux d’hydratation et d’hygiène personnelle. » Pour la population française, ce minimum correspond à près de 497 millions de m3 par an.
En première approximation on peut donc dire qu’EDF s’approprie, pour refroidir ses 42 réacteurs nucléaires en bord de cours d’eau, autant que le minimum vital nécessaire à la population française.
Cette eau est certes en partie rejetée dans les mêmes cours d’eau, elle va pouvoir être « consommée » de nouveau plusieurs fois dans l’année mais la quantité détournée aura manqué ailleurs et ses qualités de potabilité et de pureté seront gravement altérées.
La pollution thermique
En fait une centrale nucléaire est une centrale thermique et son rendement moyen est le plus bas de toutes les centrales thermiques : 33% maximum. C’est-à-dire que seulement 33% de l’énergie produite est transformée en électricité, les 67% restant sont évacués sous forme de chaleur !
D’après Olivier Dubois, directeur adjoint de l’expertise de sûreté à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l’IRSN) : « L’échauffement entre l’eau prélevée et l’eau rejetée est de l’ordre de 10 °C. L’effet sur la température moyenne du cours d’eau dépend du débit du cours d’eau. ».
Ce grave réchauffement direct perturbe les espèces terrestres et aquatiques : si l’eau de la rivière atteint 25 °C, la réglementation sur l’eau potable interdit de la distribuer, car une eau à 25 °C favorise le développement de bactéries pathogènes. Et pas seulement ! Des amibes prolifèrent en aval de la centrale : ne vous baignez pas dans la Vienne si vous ne portez pas de pince-nez : des amibes peuvent venir visiter vos fosses nasales… (en communication avec le cerveau !)…
Le zoo des crocodiles acclimatés à Civaux comme dans d’autres centrales nous console pas de la perte de biodiversité locale. Le réchauffement direct est plus pernicieux que l’effet de serre mais de toute façons rappelons que la vapeur d’eau est en plus … un important gaz à effet serre !
S’il est une production d’énergie inadaptée au réchauffement climatique, c’est bien la chaîne du nucléaire contrairement à ce que prétend une fallacieuse propagande :
Non seulement le nucléaire ne nous sauve pas du réchauffement, mais il l’aggrave, avec l’énergie fossile consommée pour la fabrication des usines (énergie grise) et le transport et la transformation des combustibles nucléaires. Ce mode de production électrique est en plus terriblement vulnérable aux perturbations qu’il contribue à créer !
La situation à Civaux est particulièrement critique au bord de la Vienne. Quand l’eau de la rivière se réchauffe… il en faut de plus grandes quantités pour refroidir les réacteurs ! La sûreté de la centrale dépend du lac de Vassivière. Et si cela ne suffit pas… les nappes seront-elles sollicitées ??
La pollution radioactive
D’autres pollutions s’ajoutent à la pollution thermique. Il faut noter qu’EDF et l’ASN raisonnent en terme de « taux de fuite admissible » pour les trois « barrières de confinement ». Ce qui veut dire qu’il y a des fuites radioactives à tous les niveaux : sur les barres de « combustible » qui contaminent le circuit primaire, sur la cuve du réacteur, les pompes primaires et les générateurs de vapeur qui contaminent le circuit secondaire et l’enceinte de confinement, sur l’enceinte de confinement qui contamine… l’extérieur.
Ainsi, l’eau rejetée est contaminée. Comme le tritium est quasi impossible à confiner, il est rejeté à la fois dans l’air et dans l’eau. C’est un isotope radioactif de l’hydrogène.
Les isotopes provoquent une contamination radioactive interne durable : le tritium se fixe à la place de l’hydrogène, l’iode radioactif à la place de l’iode normal, le césium à la place du potassium, le strontium à la place du calcium, etc. Une fois ingérés, ils irradient jusqu’à ce que leur activité disparaisse. Pendant longtemps, les scientifiques officiels ont considéré le tritium comme négligeable sauf que l’eau pénètre nos cellules, nos organes, insidieusement.
L’industrie nucléaire rejette des millions de milliards de becquerels de tritium dans l’eau et dans l’air : « Plus on produit d’électricité, plus on produit du tritium. C’est pourquoi depuis plusieurs années, la production de tritium est proche de la limite annuelle réglementaire » a déclaré EDF en 2006, à propos de ses réacteurs nucléaires. Le tritium passant au travers des filtres, des pollutions accidentelles se produisent également.
Il faut rappeler comment sont déterminées les limites annuelles réglementaires : elles ne marquent pas le seuil en dessous duquel il n’y a pas de danger mais le seuil à partir duquel on considère que les inconvénients (généralement sanitaires) l’emportent sur les avantages (généralement économiques). Dit plus clairement, on considère qu’abaisser le seuil coûterait trop cher pour le nombre de maladies potentiellement évitées. La limite annuelle réglementaire pour l’eau potable a été fixée par l’OMS à 10000 bq/l, en référence aux travaux de la CIPR, ce qui permet à EDF de prétendre que c’est sans danger. Mais l’OMS n’a jamais indiqué qu’il n’y avait pas de danger en dessous, et en plus cette limite est très contestée. Elle implique un risque cancérigène 160 fois plus élevé que ce qui est accepté pour les polluants chimiques. (1)
Habitants de Châtellerault c’est l’eau de la Vienne qui coule de votre robinet : Le savez-vous ?
Ne cherchez pas sur le site de votre fournisseur d’eau. Les données sur la contamination radioactive n’y figurent pas. Il faut se renseigner auprès du ministère de la Santé et c’est toute une affaire. Parce que bien sûr, le meilleur moyen de ne pas trouver de radioactivité, c’est de ne pas la chercher. Mais la CRII-Rad et l’ACRO, les deux laboratoires de recherche indépendants, ont trouvé du tritium dans la Loire, le Rhône, la Vienne. D’autres éléments radioactifs sont rejetés par les centrales, du césium, du carbone 14, de l’iode, du manganèse, du cobalt… et d’autres encore (1). Ces éléments sont trouvés en les prélevant sur des plantes aquatiques…
La pollution chimique
Il faut des kilomètres de tuyaux pour faciliter les échanges de chaleur pour refroidir l’eau du circuit secondaire. Les parois ne doivent pas s’épaissir. Les tours de refroidissement sont donc détartrées à chaque arrêt de tranche, et en permanence pendant le fonctionnement normal. Il faut aussi éviter la prolifération des bactéries qui adorent la chaleur humide. D’autres parties de l’installation nucléaire utilisent aussi des produits chimiques qu’elles rejettent.
Les centrales nucléaires rejettent donc en quantité du chlore, des sulfates, de l’acide borique, du sodium, de l’ammonium… Rassurez-vous, les autorités vous diront toujours que c’est sans danger pour l’environnement et sans incidence sur la santé.
Conclusion
Nous vivons dans une société nucléaire, et le nucléaire fait peser sa menace invisible partout. Ce n’est pas une énergie « propre » mais une industrie qui cache ses tares tout en prétendant à une impossible infaillibilité.
Les technocrates et les politiciens qui veulent relancer cette industrie moribonde confondent effet d’annonce et faisabilité. Rien n’est au point, personne n’est sûr que ça marche, mais ils sont prêts à nous faire courir tous les risques et payer très cher pour que la réalité se conforme à leurs diktats. Ce qui fait qu’en plus de détériorer la météorologie, ils détériorent aussi le climat social…
Comment des collectifs soucieux de protéger l’eau des accapareurs peuvent-ils tenir à l’écart de leur champ visuel le premier saccageur de ce bien irremplaçable ?
Sylvie Diallo, François Vallet, Élisabeth Brénière et pour la version finale Francesca, Jean Baptiste et Annick des AT-Poitou.
Notes
« Le nucléaire nous pompe l’eau » c’est le titre d’un article paru le 10 mai 2023 dans Courant Alternatif. Ce communiqué lui doit beaucoup. On peut le consulter sur le site ADN (Arrêt Du Nucléaire).
(1) Analyse critique du seuil de 10 000 Bq/l défini par l’OMS pour le tritium dans l’eau potable, document de la CRII-Rad, 01/07/2019