On peut se demander pourquoi le gouvernement dissout les Soulèvements de la Terre maintenant et pourquoi Sacha Houlié adopte l’idée de « l’éco-terrorisme » et découvre qu’il existe des noirs français.
Sacha Houlié, député macroniste de la Vienne et garde rapprochée de Macron, vient de déclarer à France Info que les manifestant-es contre le Lyon Turin était « des délinquants pas des manifestants » . Peu de jours plus tard, il considère immédiatement et à tort que l’agresseur de Bordeaux est un étranger expulsable, sur la foi des seules images des réseaux sociaux où on voyait que l’agresseur était noir. Cette histoire a permis à certains de découvrir qu’il existe des noirs qui sont français et même de parents français : une épine dans le pied de tous les préjugés racistes.
S. Houlié est paré parfois de l’attribut « aile gauche du macronisme » parce qu’il était Strauss Khanien dans sa jeunesse. Pour les jeunes générations, sachez que Strauss Khan était un néo-libéral influent du Parti Socialiste, qui fut directeur du FMI et a failli de peu être président de la République. Une sorte de Macron mais en plus vieux et plus libidineux. Pour la presse mainstream parisienne, c’est ce qu’on appelle la « gauche » (!).
Macron a été élu les deux fois sur l’idée qu’il était ET de gauche ET de droite, en même temps. La présence d’Houlié, par exemple, était présentée comme une preuve de la présence de la « gauche » au sein du macronisme.
Alors pourquoi Houlié met bas les masques et assume maintenant publiquement les thèmes traditionnels de la droite sur l’immigration et le climat ?
Il existe sans doute plusieurs ingrédients simultanés à ce changement de discours.
- L’austérité budgétaire qui se met en route au niveau européen va encore dégrader des Services publics déjà mal-en-point (hôpitaux, santé, école…), les dégâts climatiques se multiplient à commencer par le manque d’eau, l’inflation continue, la faim s’installe dans de nombreux foyers, etc. Vu la politique inchangée de Macron, la situation ne peut qu’empirer.
- Mais la nouveauté c’est la mobilisation contre la réforme des retraites qui a mis le roi Macron à nu. Il est apparu, cette fois-ci à très grande échelle e [et pas seulement aux lectrices et lecteurs de web86.info ;-)], que Macron ne sert que les intérêts des immensément riches et n’a que faire du bien commun, de l’expression de la population, n’a que faire de la démocratie fut-elle parlementaire.
- De plus en plus de personnes réagissent, se mettent en mouvement. On peut ironiquement remercier au passage Macron d’avoir soudé le « prolétariat » à savoir celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, et d’avoir politisé la jeunesse grâce à son utilisation du 49.3 et le passage en force.
- Déjà quelques temps auparavant, on avait vu à Sainte-Soline qu’il y avait à peu près 30 000 personnes (majoritairement de moins de 35 ans) qui avaient osé braver l’illégalité de la manifestation parce que la cause est juste.
- Alors que nous avons subi une défaite sur les retraites, l’envie de se battre ne cesse de croître, sur des thèmes de pouvoir d’achat et de conditions de travail, mais aussi sur des revendications contre l’inaction climatique, notamment sur le partage de l’eau. On va le voir dès cet été dans la Vienne avec les mobilisations pour le partage de l’eau entre autre. On va le voir dans les grèves salariales et de conditions de travail dès la rentrée. On l’a déjà vu, après le COVID, dans les exigences d’une jeunesse qui déserte les boulots mal payés aux conditions de travail scandaleuses.
- Puisque ce gouvernement a démontré sa fermeté absolue (et répressive), qu’il ne fait plus illusion, Houlié n’a plus d’utilité à jouer sur d’hypothétiques nuances gauche/droite dans la Macronie.
Peur
D’autant plus que les milliardaires sont à la manœuvre. On connaît Bolloré dont la politique de propriétaire de beaucoup de grands médias se base sur l’adage « plutôt Hitler que le Front populaire ». Il est aujourd’hui rejoint par Bernard Arnault qui met en garde contre le journalisme marxiste dans le journal patronal par excellence dont il est propriétaire, « Les Échos » (!).
On commence à retrouver là des prémisses de ce qu’avait théorisé Daniel Guérin avant-guerre : le Capital peut décider de favoriser et financer le fascisme (quel qu’en soit sa forme) s’il sent un danger de remise en cause du capitalisme par la population.
Tout ce petit monde économique, médiatique et économique se connaît, se côtoie, fonde des familles dans l’entre-soi. Certains comme Houlié y aspire. Mais face à tant d’agressions contre le monde du travail et les jeunes, on constate que « qui sème le vent, récolte la tempête » : ceci est un constat, pas une menace ou un appel à violence physique (je prend mes précautions !). Dans l’interview de France info Houlié évoque d’ailleurs la menace supposée de la manifestation qui a voulu aller devant son domicile…
« Que faire ? » disait l’autre
On peut cesser de « croire que » et au contraire « militer pour » c’est à dire sortir de sa passivité, celle du conte de la grenouille dans la casserole qui s’habitue à ce que l’eau chauffe petit à petit mais ne prend pas conscience que l’eau va bouillir et la tuer. On peut aussi choisir de favoriser une tradition historique française plutôt qu’une autre, plutôt « la prise de la Bastille » que « Maréchal, nous voilà », choisir le Front Populaire plutôt que Hitler.
P. Canaud