C’est au mépris des artistes qu’on mesure la cécité des politiques. A Châtellerault, c’est dans la totale insouciance de ceux qui n’ont plus de question, la quasi-certitude de ceux qui définitivement savent, qu’ils ont effacé, « nettoyé », reblanchi… ravalant une façade en en méprisant la saveur, avec l’autorité de ceux qui, ayant perdu le goût, ne reculent à remettre au menu aucune mauvaise nourriture.
Adieu donc Ella et Pitr, adieu les visages réjouissants venus du bout de vos pinceaux, révéler l’âme, au travers de sa façade, du Nouveau Théâtre de Châtellerault. Je ne sais qui, singulier ou pluriel, a décidé qu’il était temps de gommer, sans doute sans vous en avertir ?, ce trop de joie et de bruit, cet outrage d’émotion, déplacé dans l’espace public d’une sous-préfecture.
Vous aviez mis des regards et des rires à la fenêtre ; en lieu et place, le théâtre a retrouvé des murs.
A Poitiers, on a détruit un théâtre au cœur de la ville. A Châtellerault, on pense sans doute ne pas en être arrivé là. Mais quand on sort le seau de peinture blanche pour effacer une toile, on n’est pas loin du bulldozer qui détruit un espace. Quand on est sourd au discours de l’artiste, on n’est pas loin de ne plus rien y voir. Le Nouveau Théâtre de Châtellerault attirait le regard, promettait le spectacle à l’orée de sa façade, le visage ouvert et le clin d’œil complice. Renfrogné et fermé, il apparaît aveugle et nous parle de la cécité de ceux qui détournent le regard…
J. Arfeuillère