Les fédérations de la Vienne et de la Haute Vienne du PCF (parti communiste français) jugent le projet d’autoroute concédée entre Poitiers et Limoges injustifié. Il est économiquement contestable, contraire aux engagements de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement et d’un coût prohibitif pour les collectivités locales et les usagers.
Contrairement à un argument trop souvent avancé, Limoges et Poitiers ne sont plus aujourd’hui des villes enclavées. Elles bénéficient toutes deux de liaisons autoroutières vers le nord ou le sud du pays (A20, A89, A10) ainsi que l’accès aux ports de l’Atlantique.
En matière ferroviaire Poitiers est irrigué par le TGV Bordeaux-Paris et Limoges mise sur la rénovation en cours de la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse). Il existe également une ligne TER entre les 2 villes qui, si elle était rénovée, permettrait de reporter sur le rail une partie non négligeable des flux routiers.
Il est par ailleurs erroné d’affirmer que la réalisation d’une infrastructure nouvelle est forcément synonyme de développement économique. Le dossier de la consultation publique le dit lui-même : “l’expérience montre que les infrastructures de transports seules ne suffisent pas à insuffler une nouvelle dynamique aux territoires.”
Depuis la construction de l’autoroute A65, Pau a ainsi perdu 4 000 habitants, les Landes n’ont pas vu le bénéfice du « choc d’attractivité » attendu et il en va de même pour Vierzon pourtant au croisement de 2 autoroutes. Il est également admis qu’une autoroute n’amène pas d’installation d’entreprises en milieu rural cependant qu’elle fragilise celles qui existaient à proximité immédiate de l’axe initial (hôtels, restaurants, garages, stations-services …).
Une nouvelle autoroute pourrait aussi accentuer la tendance à vider les centres villes, un enjeu primordial en particulier pour celui de Limoges qui a perdu près de 6 .000 habitants en six ans.
Contestable au plan économique ce projet d’autoroute concédée l’est tout autant sur le plan environnemental. La vitesse passant de 80 à 130 km/h, la pollution et la quantité émise de gaz à effet de serre augmenteraient elle aussi très sensiblement. Par ailleurs, la future autoroute risquerait aussi d’accentuer l’étalement urbain.
Les impacts sur l’agriculture ne seront pas neutres avec la disparition de 674 hectares de terres agricoles et 115 hectares de forêts ce qui entraînera la disparition ou la déstructuration de nombreuses exploitations et de facto conduirait artificialisation des sols avec des conséquences sur la biodiversité et la gestion de l’eau. Cette artificialisation apparaît incompatible avec les règles et les objectifs du Schéma Régional d’Aménagement Durable et D’Égalité des Territoires (SRADDET) de la Nouvelle Aquitaine qui se fixe de réduire la consommation foncière de 50 % à l’horizon 2030.
Une autoroute concédée a un coût et il est loin d’être neutre. L’investissement est évalué entre 823 millions et 1,208 milliards d’euros auxquels il faut ajouter les 465 millions d‘aménagements déjà programmés (contrat de plan Etat-Région) soit un total de 1,673 milliards. Mais autoroute concédée ne veut pas dire financement entièrement privé. Le financement public, au travers de la subvention dite pudiquement « d’équilibre » pourrait s’élever à 771 millions. Si l’on ajoute les 465 millions des aménagements programmés qui seront versés à la concession, le financement public s’élèverait donc à 1,236 milliards sur les 1,673 milliards !
De plus, la subvention d’équilibre serait supportée notamment par les collectivités mais le montage financier n’est pas arrêté. Confrontées simultanément à la baisse continue de leurs dotations, à l’accroissement de leurs compétences et à la baisse de leurs capacités fiscales (notamment sur la valeur ajoutée avec la disparition de la taxe professionnelle), les collectivités ont aujourd’hui bien du mal à financer leurs investissements. Comment croire qu’elles seront en mesure, demain, de financer ce projet d’autoroute ? Sur quels investissements indispensables devront-elles rogner ?
Quant aux futurs potentiels usagers ils seraient mis à contribution deux fois : une première par leurs impôts une deuxième au travers du péage…
Les travailleurs les plus éloignés de la ville, bien souvent aussi moins riches que ceux des proches périphéries, devraient alors choisir entre payer davantage pour se rendre au travail (200€ par mois pour un habitant de Lussac qui travaille à Poitiers), ou perdre du temps libre matin et soir en empruntant l’ancienne N147 dégradée puisque les contournements déjà réalisés seraient versés à l’autoroute.
La réalisation d’une autoroute concédée n‘est pas la solution. Elle augmenterait les déplacements plus polluants de personnes et de marchandises, elle irait à l’encontre de l’intérêt général et des engagements environnementaux. Elle est insoutenable pour les finances publiques des collectivités et doublement coûteuse pour le contribuable et l’usager (qui serait alors un client). Elle aggraverait les inégalités.
Cependant, améliorer la sécurité et le confort de la RN147 doit rester une priorité.
Seuls cent automobilistes empruntent quotidiennement la totalité du trajet entre Limoges et Poitiers. L‘essentiel des flux se fait entre Bellac – Limoges et Lussac les Châteaux- Poitiers. C’est sur ces deux parties que devraient porter en priorité les aménagements routiers. Nous affirmons donc la nécessité de poursuivre les opérations prévues au CPER et de procéder à des améliorations complémentaires de l’axe au travers du contournement de bourgs et la réalisation de créneaux de dépassements comme le propose le scénario alternatif.
Nous réaffirmons que c’est à l’État de jouer son rôle dans l’aménagement du territoire et qu’il serait intolérable que les travaux déjà programmés ne soient pas engagés rapidement ou pire que l’argent public de l’état, des collectivités et celui des ménages soit mis au profit d’un concessionnaire autoroutier contre l’intérêt de la population.
Enfin, la question des mobilités doit être pensée dans sa globalité nous demandons donc concomitamment la rénovation de la ligne TER pour améliorer l’offre tant d’un point de vue qualitatif (vitesse, confort) que quantitatif (nombre de dessertes), cette régénération et cette modernisation permettant de couvrir une grande partie des besoins de déplacements entre les deux villes. De même nous demandons que les investissements à hauteur des besoins soient rapidement engagés pour l’intermodalité dans les gares intermédiaires.
Dans nos territoires hauts viennois et viennois comme ailleurs, réfléchir aux transports des personnes, des biens et des marchandises implique une approche multimodale équilibrée qui doit ouvrir la voie à une réponse confortable et durable aux besoins de déplacement de la population et de développement d’activités productives utiles et relocalisées. »