Suite à une année climatique atypique, c’est encore le problème des irrigants qui est à la une de l’actualité.
La Confédération Paysanne de la Vienne tient à rappeler que la grande majorité des terres agricoles de notre département ne bénéficie pas d’irrigation et que seul 9 % des terres sont irriguées.
Bon nombres d’entre nous avons subi un hiver et un printemps particulièrement arrosé par le ciel, ce qui a beaucoup perturbé nos travaux : rendements en forte baisse, surface de cultures d’hiver non semées, fourrage en volume mais de très faible qualité. Le faible prix des céréales et oléagineux, au regard de l’augmentation des coûts de production, vient s’ajouter à cette mauvaise récolte.
Bon nombre de fermes se retrouvent dans une situation économique très compliquée.
Encore une fois, c’est le problème des irrigants qui est mis en avant.
L’étude scientifique HMUC Clain a été portée par EPTB pendant 2 ans dans notre département et s’est terminée il y a bientôt 1 an. En simplifiant, celle-ci vise à répertorier l’ensemble des usages de l’eau et de mieux connaître notre ressource en eau en tenant compte de l’évolution climatique.
Sans être scientifique, nous paysans, constatons depuis de nombreuses années qu’il y a un problème de sur utilisation de la ressource en eau de notre territoire et qu’il y a nécessité de revoir le partage et l’accès à l’eau entre agriculteurs.
Ce qui pose problème visiblement, ce sont les volumes prélevables pour l’agriculture que HMUC demande de baisser pour pouvoir assurer l’alimentation en eau potable et assurer un minimum d’eau dans les cours d’eau.
Remettre en cause la démarche scientifique de cette étude, pourquoi pas. Nous n’avons pas la capacité à la Confédération Paysanne d’en juger, mais vouloir y opposer une étude socio-économique n’a aucun sens.
Nous avons l’obligation d’adapter notre modèle agricole à la ressource réellement disponible. Si c’est l’argent que l’on peut faire en arrosant du maïs qui pilote la gestion de l’eau, alors ils pomperont jusqu’à la dernière goutte.
Comme d’habitude, la nécessité d’irriguer est mise en avant pour sauver l’élevage. La Confédération Paysanne a toujours défendu l’irrigation pour l’élevage. Pourtant, nous constatons que celle-ci a plutôt contribué au fil des années à faire disparaître l‘élevage au profit des grandes cultures. Nous remarquons aussi que l’irrigation est bien confortable pour les fermes qui ont développé les cultures destinées à la méthanisation. Pour nous, il est indécent d’utiliser de l’eau pour produire de l’énergie.
Le monde agricole n’a pas d’autre choix que de prioriser et partager cette ressource. Pour un certain nombre de cultures (le maraîchage, l’arboriculture, …), l’irrigation est indispensable et dans notre département, cela ne représente que peu de surface et de volume d’eau. Il est illusoire d’imaginer que l’irrigation sera la réponse au changement climatique en grande culture. Nous avons déjà de gros problèmes de ressource en eau avec seulement 9 % de la surface arrosée.
Quant au stockage de l’eau en bassines, il est promu par ceux qui veulent continuer comme avant, il permettra à une petite centaine d’irrigants d’arroser beaucoup plus qu’aujourd’hui, lorsque les autres subiront encore plus tôt les restrictions.
Stocker de l’eau en surface en déstockant l’eau de la nappe phréatique n’a pas vraiment d’intérêt et bien que ces projets soient financés à 70 % par de l’argent public, ils seront très coûteux pour les agriculteurs qui s’y engagent.
La Confédération Paysanne est preneuse d’une étude économique cohérente du projet des bassines de la Vienne. Pour l’instant, celles qui ont été produites ne nous ont pas convaincus. Les irrigants des Deux Sèvres qui ont pourtant construit un projet plus collectif que dans la Vienne facturent les mètres cubes d’eau issue des bassines à 34 cts du M3. Seules des cultures à fortes valeurs ajoutées peuvent, pour nous, supporter un tel coût de l’eau. Avec des céréales à 200 € la tonne, mission impossible.
Au lieu de vouloir faire une nouvelle étude économique pour voir l’incidence de la diminution de l’irrigation, il serait préférable d’aller voir comment ont fait les irrigants du bassin du Clain, qui n’ont pas souhaité s’engager dans les projets de bassines. Certains ont injustement perdu l’essentiel de leurs volumes d’eau.
La priorisation et le partage de l’eau sont indispensables pour notre agriculture : notre métier est bien de produire de l’alimentation pour les citoyens qui nous entourent et l’eau est bien le premier aliment qui nous est nécessaire.