Appel à communications

Colloque international organisé par la MSHS de Poitiers avec le concours de l’Espace Mendès France et de la CIBDI

19 mars 2020 – Poitiers – Espace Mendès France

26 mars 2019 – Angoulême – Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image

A coups de bulles et de cases

Depuis longtemps la bande dessinée connaît des personnages féminins au caractère bien trempé, mais souvent dessinées par des hommes. Avant la Seconde Guerre mondiale, Olga Mesmer (1934) ou Torchy Brown (1934) jouaient les premiers rôles. Superhéroïnes, elles ne s’en laissaient pas conter. Tandis qu’Hergé dessinait la Castafiore (1939) à qui on ne pouvait rien imposer, John Giunta et Malcom Kidale (Centaur Comics, 1939) inventaient Jane 6EM35, fille d’une mère terrienne et d’un père martien, elle avait la capacité de détruire le temps et l’espace. Dans les années 1960 d’autres personnages féminins affranchies des conventions, indépendantes et libres, s’imposèrent sur le devant de la scène, notamment, Barbarella due à Jean-Claude Forest (1962) ou Pravda la survireuse dessinée par Guy Pellaert (1967) ou encore Laureline, agente spatio-temporelle créée par Mézière et Christin (1967).

Par la suite, d’autres personnages féminins, dans des registres très différents, allant de la Schtroumpfette (Peyo) à Adèle Blanc-Sec (Tardi), sans oublier Agrippine (1988) de Claire Bretécher virent le jour, sans qu’il soit possible ici de les citer toutes. Mais les personnages de papier ne sont pas toutes fictionnelles : Ainsi soit Benoîte Groult, par Catel (2013), Les apprentissages de Colette par Annie Goetzinger (2017) ou encore Simone de Beauvoir, une jeune fille qui dérange par Sophie Carquain et Olivier Grojnowski (2016) sont quelques-unes des biographies dessinées retraçant le parcours de figures féministes dont les actions, sur des plans divers, ont été déterminantes pour la conquête de droits et la réflexion sur la domination masculine. Quant à la bande dessinée érotique ou pornographique, celle qui a « mauvais genre », elle est peuplée de figures féminines, très souvent maltraitées et violentées. Or, si études et travaux sur l’érotisme, la place des Pin-Up, la séduction, voire le désir et le plaisir, mais aussi sur la censure, se sont déployés de manière relativement abondante, il n’en est pas de même des violences faites aux femmes dans la bande dessinée.

La visée du présent colloque est d’en rendre compte. Parmi les pistes à favoriser, sans que cela soit contraignant, nul doute qu’il conviendrait d’aborder les violences sociétales faites aux femmes, les empêchant de disposer de leur corps comme elles l’entendent. Dans cette perspective Tonino Benacquista et Florence Cestac, dans Des salopes et des anges (2011), suivent les trajectoires de trois femmes qui veulent se faire avorter. Les auteurs restituent aussi les combats du planning familial, le manifeste des 343 publié dans le Nouvel Observateur en 1971, la création du MLAC en 1973. Dans les albums dits historiques, dont l’action se situe au Moyen-Âge ou à une époque plus ancienne encore – Antiquité ou préhistoire — quelles sont les règles données et les comportements suivis ? Dans les romans graphiques traitant du futur quelle place est donnée, dans l’organisation des sociétés, aux violences contre les femmes ?

Les formes de violence qu’il conviendrait d’exposer – les sorcières mises sur le bûcher, ou pendues comme à Salem (Démons d’Alexia, 2004, Filles de Salem, 2018), les jeunes filles kidnappées, les épouses lapidées… – témoignent de l’appropriation du corps, de l’esprit et de la vie des femmes. Le viol est assurément le plus fréquent et peut-être le plus difficile à mettre en mots et en images. Stefano Martino et Oliver Peru ont choisi l’Antiquité (Oracle, La Pythie, 2014), d’autres les guerres de Religion, la Guerre d’Espagne ou les conflits armés au Congo. Mais une bande dessinée peut aussi être le reflet d’une situation tout en contribuant à changer les mentalités d’une société. L’exemple manifeste étant Priya’s Shakti (2014), scénarisé par Vikas Menon et Ram Devineni et dessinée par Don Goldman. À partir d’un fait divers, le viol et le meurtre d’une étudiante dans un bus, le crime est transposé dans un village et la déesse Parvarti, implorée par la victime, vient à son secours. La publication de l’album fit l’effet d’une déflagration en Inde et sur la scène internationale.

Les violences sexuelles constituent assurément un vaste continent. La couverture de la première édition de L’Agnone (1980), de Guido Buzzeli, montre un personnage inquiétant se saisir d’une jeune femme nue, l’enserrant dans ses bras, et la soulevant du sol. Les femmes harcelées, molestées, contraintes, violées sont désormais légion. Or, pendant longtemps, les normes, l’autocensure et la censure officielle ont limité, du moins dans la bande dessinée à large diffusion, la présentation et l’exposition des corps brutalisés. Cependant des albums sans montrer explicitement aux lecteurs des scènes d’agression brutales, les ont suggérés et parfois camouflé en partie. Toutefois, en 1984, Odile et les crocodiles, parfois classé dans la catégorie du nouveau réalisme, de Chantal Montellier fit sensation. Victime d’un viol resté impuni, Odile, l’héroïne, cherche à se venger.

La bande dessinée licencieuse ou pornographique n’est pas avare de scènes de violences explicitement sexuelles et franchit parfois un seuil, glissant de la maltraitance au sadisme. Paolo Eleuteri Serpieri, a livré avec la série Druuna apparue en 1986 une sorte d’inventaire : aux humains s’ajoutent d’autres prédateurs : monstres singuliers, extraterrestres… Du côté du Japon, des sous-genres ont vu le jour et se sont épanouis à partir de la tendance eroguro, c’est-à-dire de l’érotique grotesque dans lequel des tentacules ou des bras élastiques malmènent des malheureuses. À la manœuvre, des auteurs comme Toshio Maeda, Makoto Kobayashi ou encore Suehiro Maruo. La bande dessinée américaine underground a très tôt mis en scène des situations où des jeunes femmes sont agressées, enlevées, ligotées, violentées, amputées, torturées. Des auteurs comme John Willis avec The Adventures of Sweet Gwendoline (1958) ou, plus tardivement, comme S. Clay Wilson et Rick Griffin, ces deux derniers appartenant avec Robert Crumb, au cercle fermé de Zap Comix, à partir de 1968, ont produit des planches, parfois surchargées de femmes non seulement violées mais aussi suppliciées.

Il conviendra donc de s’interroger sur l’image donnée des femmes : passives, révoltées, tétanisées, résignées… De même, il importera aussi de s’attacher, en partie du moins, aux auteurs de violences : sont-ils dépeints comme des prédateurs, des hommes virils, des personnages atteints de folie, des individus ordinaires. Quant aux victimes, sont-elles enfermées dans ce rôle ? Chantal Montellier a montré dans un ouvrage intermédiaire entre l’autobiographie illustrée et la bande dessinée (La Reconstitution, 2015) des planches où la violence physique est manifeste et surgit parfois là où on ne l’attend pas. Il est vrai que les violences faites aux femmes ne figurent quelquefois que dans une case ou une planche, parfois proche de l’illustration, et non dans un album complet. C’est ainsi que Marine Spaak dans Passer à la casserole. Et si on parlait du viol au sein du couple (2018), à partir d’une enquête, a dessiné dans un magazine en ligne, Femmes plurielles, tout ce qu’il faut savoir sur le viol conjugal. Quant aux violences conjugales, elles ont aussi été traitées par Jérôme d’Aviau et Loïc Dauvillier dans Inès (2009) ou par James et Sylvain Ricard dans …À la folie (2009) et tout récemment par Thibault Lambert (De rose et de noir, 2017)

Au final, il importera d’aborder à la fois, les formes, les circonstances et les atmosphères, les moments et les lieux, les acteurs et actrices des récits graphiques, sans oublier d’interroger le contexte social de la bande dessinée en se demandant si on peut observer une évolution dans la prise en compte, le dessin et le traitement scénaristique des femmes avec les dénonciations des violences.

Les organisateurs du colloque (Frédéric Chauvaud, Université de Poitiers, Lydie Bodiou, Université de Poitiers, Héloïse Morel, Espace Mendès-France, Jean-Philippe Martin, Cité International de l’Image et de la Bande dessinée) prennent en charge, les repas, les nuitées, les frais d’inscription et la publication des actes sous la forme d’un véritable livre. Une aide aux déplacements pourra éventuellement être octroyée.

Les propositions de communications (1500 signes) et une courte notice bio-biblio (500 signes) sont à adresser, avant le 31 novembre 2019, à Frédéric Chauvaud frederic.chauvaud@univ-poitiers.fr

Rédaction

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