Tout d’abord merci à vous toustes d’être venu-es m’accompagner pour ma première convocation au commissariat. Cette convocation, d’après ce qu’on en sait, elle concerne la méga-boum de l’an dernier, cette manifestation que nous avons faite en mémoire de la manifestation de Ste Soline, il y a maintenant presque 2 ans.

Les motifs de cette convocation, ils sont pour le moins surprenants: non-déclaration de manif, injure publique, outrage à personne dépositaire de l’autorité publique et… tenez-vous bien, provocation aux crimes et délits, rien que ça.

Ce jour-là, en effet, j’étais la porte-parole de notre mouvement et donc des centaines de personnes réunies pour dire à ce pouvoir aux abois qu’il ne tient plus que par sa police et sa gendarmerie. À travers ma voix, nous avons collectivement dit que loin de nous avoir fait mettre un genou à terre, à Ste Soline, ils n’ont fait que renforcer notre détermination. Et presque deux ans après, on le leur montre encore aujourd’hui.

Alors, ces motifs… Injure publique ? Franchement je ne vois pas. Peut-être que c’est parce que nous avons qualifié Darmanin de sinistre ? M’enfin.. Ce n’est pas une injure…

Pour avoir qualifié la préfète Dubée de sbire ? Je ne vois pas non plus…

Sur l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Est-ce que c’est parce que nous avons dit qu’ils ont menti ? Qu’ils ont menti sur le nombre de blessé-es ? Qu’ils ont menti sur les tirs nourris de grenades explosives sur la foule ? Qu’ils ont menti sur la charge des quads sur les blessé-es et le rang d’élu-es en écharpe qui tentaient de les protéger ? Qu’ils ont menti sur l’entrave aux secours alors que les vies de Serge, de Mickaël et d’Alix étaient en jeu ? Bref, qu’ils ont menti sur leur volonté délibérée de nous mutiler ?

Ils ont menti sur les plateaux télé. Ils ont menti sous serment en commission d’enquête parlementaire. Ce n’est donc pas un outrage de le dire, c’est la vérité. Et nous avons les enregistrements audio et vidéo pour le prouver. Nous avons le rapport de la LDH qui confirme nos propos.

Et alors, le motif le plus grotesque pour la fin. Ils nous reprochent une provocation aux crimes et délits… Sérieusement ? Alors que 200 personnes ont été blessé-es, que deux personnes ont vu leur pronostic vital engagé pendant des jours ? Que des dizaines de personnes ont encore des séquelles physiques de ce jour funeste ? Ce qu’ils prennent pour une provocation aux crimes, est-ce que c’est le fait que nous, en réponse, il y a un an, nous avons fait prendre un bain à un mannequin de paille ? Un mannequin de Darmanin qui a fini dans le Clain ?

Comme on l’a dit sur le moment, c’était un geste carnavalesque, un geste qui a derrière lui des siècles de culture populaire. S’ils prennent ça pour une provocation aux crimes, c’est vraiment que, décidément, Gérald n’a pas d’humour.

Ils me convoquent 10 mois après les faits, alors qu’ils connaissent mon identité depuis tout ce temps. Pourquoi maintenant ? Est-ce que cette tentative d’intimidation ne serait pas plutôt le signe que mon travail de lanceuse d’alerte scientifique porte ses fruits ?

Petit récapitulatif : J’ai participé à désarmer leur seul argument scientifique pour les bassines, un rapport du BRGM. Le BRGM a discrètement publié un CP admettant que, sur la quasi-totalité des points, j’avais raison. J’ai montré que les conditions de remplissage des bassines ne
garantissent en rien le bon état des rivières. Ça a d’ailleurs été publiquement reconnu en octobre dernier par les responsables des bassines de Vendée. Ils ont eux-mêmes qualifié ces conditions de, je cite, « trop laxistes ». Et je suis invitée à présenter ces travaux devant le PTGE Vendée.

J’ai aussi relayé l’étude de l’ENS qui montre que le remplissage des bassines a un impact sur la recharge des nappes. Et j’ai prouvé que l’amélioration du niveau des nappes en été est due à la remontée des seuils de gestion, et pas aux bassines.

Pour tous ces travaux, nous avons organisé des espaces d’information et de débats avec BNM.

Comme l’a dit Christine, on l’a fait aussi, avec le PTGE citoyen, sur l’étude HMUC dans le Clain, cette étude scientifique dénigrée par le préfet d’alors et par le Conseil Départemental.

On a organisé ces moments d’information et de débats alors que ça devrait être le rôle de l’État d’informer, de nous permettre de discuter et de débattre. Parce que nous rencontrer, c’est le seul moyen d’éviter les conflits sur l’eau.

Mais au lieu de ça, l’État préfère instrumentaliser la colère paysanne, détourner leurs premières revendications sur une juste rémunération des paysannes et des paysans, comme le demande la Conf Paysanne depuis des années. L’État préfère essayer de nous retourner les uns contre les autres plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes.

–> Alors que nous, on a des vraies solutions à proposer. Avec BNM Aume-Couture, nous construisons un vrai projet d’aménagement du territoire et de gestion de l’eau, les Propositions Citoyennes pour le Bassin de l’Aume et de la Couture. C’est un projet résilient, aussi bien pour les écosystèmes que pour l’agriculture et l’eau potable. Résilient face au réchauffement climatique, face à la diminution des ressources en eau et face à l’effondrement de la biodiversité.

Aujourd’hui, à quelques minutes d’entrer dans cet endroit dépositaire de la violence « légitime » de l’État, je ne vais pas vous mentir. Je ne vais pas vous cacher une certaine
appréhension. Mais je n’ai pas peur.

Je n’ai pas peur pour deux raisons. La première raison, elle n’est pas très joyeuse. Aux personnes sujettes à l’éco-anxiété, les enfants, bouchez-vous les oreilles. La première raison, c’est que ce qui me terrorise au quotidien, comme les milliers de scientifiques qui travaillent sur le sujet, c’est la crise environnementale qui ne fait que commencer.

Ce qui me terrorise, et j’emploie le champ lexical de la terreur en pleine connaissance de cause (je pense que vous aurez compris le clin d’oeil), ce qui me terrorise, ce sont les catastrophes climatiques qui s’accélèrent, au point que nous ne serons bientôt plus capables de reconstruire entre deux catastrophes. Ce qui me terrorise, c’est la perspective d’un chaos climatique, qui ne nous permettrait plus aucun type d’agriculture. C’est l’effondrement de la biodiversité dont on commence à peine à voir les conséquences sur les rendements agricoles et la pêche. C’est la pollution de notre eau et sa raréfaction.

Et face à tout ça, j’aimerais presque parler de l’inaction de l’État. Mais ils sont loin d’être inactifs. Ils appuient toujours un peu plus sur la pédale. Ils accélèrent sur la trajectoire qui nous mène droit dans le mur.

Et pour couronner le tout, ce qui me terrorise, c’est le fascisme montant, qui nous ferait nous entre-tuer alors qu’il faut nous entr-aider, au-delà des frontières politiques et géographiques, au-delà des différences culturelles, au-delà des frontières d’espèces.

Alors heureusement, la deuxième raison, elle est beaucoup plus joyeuse, et vous pouvez vous déboucher les oreilles. Si je n’ai pas peur aujourd’hui, c’est parce que je suis loin, très très loin d’être seule. Je suis accompagnée déjà par vous, et encore merci d’être là. Je suis accompagnée par le millier de personnes qui sont venues à la manifestation de St Sauvant en décembre dernier.

Je suis accompagnée par les milliers de personnes qui sont venues au Village de l’Eau cet été. Je me sens soutenue par les milliers de personnes qui sont venues, il y a presqu’un an à toutes les méga-boums en France, et particulièrement à cette merveilleuse soirée à Poitiers. Il y a aussi les centaines de personnes qui ont fait le Convoi de l’Eau, dans le cortège ou dans les bivouacs.

Et bien sûr, bien sûr, je suis accompagnée par les dizaines de milliers de personnes qui sont venues manifester à Ste Soline, malgré l’interdiction et les contrôles policiers. De la base arrière aux premières lignes, des citoyennes et citoyens aux partis politiques, en passant par les assos environnementales et les syndicats, dans notre complémentarité, nous avons montré la force du mouvement anti-bassines.

Aujourd’hui, pour moi c’est juste une convocation en audition libre, mais Ambroise vous parlera juste après des deux procès à venir, à Niort, demain et lundi. Et puis il y a eu récemment le procès de porte-paroles des Soulèvements de la Terre, qui a heureusement mené à leur relaxe.

Et il y a eu le procès des neuf inculpés pour ’organisation de Ste Soline. Pour ne parler que de ceux-là.

Alors en s’attaquant aux têtes visibles, aux porte-parole, ils pensent peut-être qu’ils arrêteront ce mouvement bien plus large que BNM… Mais si c’est ce qu’ils pensent, c’est qu’ils n’ont pas compris que, les têtes visibles, nous ne sommes que la partie émergée de l’iceberg qui coulera leur titanic.

Presque 2 ans après Ste Soline, on n’oublie toujours pas. On ne pardonne toujours pas. On est, et on sera, encore et toujours là contre leurs projets mortifères.

No bassaran !

.

Rédaction

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