Un texte de Marie Mai

Il fut un temps – l’ai-je rêvé ? – où les mots nous emportaient en voyages, titillaient nos imaginaires, s’offraient à nous en poèmes, en baumes, en frissons de toutes sortes, en paires d’ailes …. Un temps où les mots appartenaient à tout le monde.

Détournés, corrompus, dévoyés, pervertis, débauchés, abîmés….. ils sont devenus des instruments de pouvoir. Les instruments des pouvoirs, de tous temps, mais plus encore ces dernières décennies, par la grâce des nouvelles technologies.

Intéressons-nous à quelques-uns d’entre eux, rabâchés depuis quelques mois par les chiens-de-garde, perroquets et bouffons des rois.

Confinement : corps contraints, cerveaux lavés. Confiner = emprisonner, contraindre, amoindrir, empêcher, affaiblir, diminuer, réduire. Est-ce supposé nous rendre plus forts pour affronter le virus ?

Essentiel : C’est incroyablement absurde, et en même temps très drôle, qu’on en soit arrivés à demander aux hypermarchés – ces temples dédiés à la consommation – de faire le tri entre ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Si on s’y laissait prendre, ça pourrait avoir des airs de décroissance :-))

Revenons à l’essentiel, à nos essentiels, propres à chacun-e d’entre nous. Mais aussi à ce qui est notre essence : l’humanité en nous, que nous sommes en train de perdre, l’air de rien…..

Crise sanitaire : mais avant tout, crise de démocratie. Une crise, quelle qu’elle soit, dans une démocratie réelle, ne serait pas gérée de cette manière et ne nous transformerait pas, dans un moment de régression monumentale, en mômes apathiques condamnés à obéir bêtement à des parents irresponsables et eux-mêmes loin d’être adultes.

Consommation : C’est une religion – la religion d’État. Consommateurs paroxystiques, nous sommes devenus des caricatures (un autre mot…. très sensible, celui-ci !) d’humains. La liste de ce qu’on consomme est infinie et correspond en grande majorité à des besoins créés de toutes pièces.

Cultivons tout ce qui peut nous affranchir de ce diktat. Demandons-nous ce qu’on fait quand on ne consomme pas. Qui est-on si on n’est pas consommateurs ? Qui serait-on si on cessait de l’être ?

Masque : Protéger (?) Mais aussi : cacher, museler, dissimuler, taire, étouffer. Et encore : effacer, lisser, gommer…. formater.

Virus : Le plus dangereux est celui qu’on ne nomme pas, fabriqué de toutes pièces et distillé autrefois insidieusement, aujourd’hui de manière beaucoup plus décomplexée, par ceux qui nous gouvernent : la haine. Ce virus-là a fait, fait toujours et fera encore bien plus de victimes qu’un microbe.

Geste-barrière : Ce mot, au sens dérisoire et inoffensif s’il était au singulier, s’emploie absolument au pluriel. Un pluriel extensible à souhait.

Davantage des barrières entre les corps, les sourires, les peaux…. ces gestes dressent également – et c’est tout aussi destructeur – des barrières dans les têtes. Ne pouvait-on (voulait-on) les nommer autrement ?

Morts : Leur nombre est égrainé quotidiennement, ainsi que celui des nouveaux cas. Dès le début, j’ai refusé d’y accorder la moindre attention : ma compassion ne peut pas être dirigée vers un nombre, qui est une abstraction. Je ne crois en aucun chiffre médiatisé. Le chiffre est l’élément basique, parfait entre tous car invérifiable, de l’instrumentalisation et de la domination.

Livre : « Il n’y a pas besoin de brûler des livres pour détruire une culture. Juste de faire en sorte que les gens arrêtent de les lire. » Ray Bradbury – Fahrenheit 451  

Attestation : au moment de dire quelque chose à propos de cette auto-autorisation qui signe notre obéissance par crainte de la prune, j’ai secoué ce bout de papier ridicule.… tous les mots en sont tombés : aucun n’était essentiel !

Couvre-feu : J’aime ce mot, pour tout ce qu’il dit en creux. Parce que là, pour le coup, il est bien possible qu’il nous parle d’essentiel. Quels sont donc ces feux qu’il faudrait couvrir ? J’ai la réponse – et vous l’avez sans doute, évidemment ! Ces feux qu’ils essaieront d’éteindre – parce que les couvrir ne leur suffira pas, c’est sûr – ils ont pour noms : plaisir, chaleur humaine, liberté, vie.

On ne peut pas éteindre ces feux en nous. Mais ne pas les laisser s’embraser, s’enflammer, brûler… risque de nous condamner à nous consumer.

Il y a un autre mot, qu’Ils ne disent quasi jamais – et pour cause, pas besoin- c’est le mot peur. Il est en filigrane de toute leur communication. Nous, par contre, on en fait un usage excessif ! Signe que leur campagne de comm’ est très efficace, non ?

À moi de proposer un mot 😉 À travers le temps, la folie des gouvernants a toujours signé la décadence d’une société. Il est urgent et vital de nous fabriquer des gardefous ! Contre les fous qui nous gouvernent. Et contre la folie qui guette chacun-e d’entre nous, tant nous baignons dans un état de confusion bien entretenue (qu’elle soit le résultat d’une organisation ou de son absence – ou des deux à la fois).

Quelques pistes de garde-fous : 1) Rester sourds aux chiens-de-garde (ne pas les écouter, tout simplement). Et, puisqu’il est illusoire d’espérer s’en couper totalement, garder à l’esprit que tous les messages assenés ne sont destinés qu’à nous rendre soumis et obéissants à leur Ordre. 2) Se poser la question : qu’est-ce qui, en ce moment, me fait du mal ? Une fois la réponse identifiée, FUIR…. Pour se recentrer sur ce qui nous fait du bien. C’est souvent simple, et, le plus généralement, détaché de toute notion de consommation. Si on sait pas faire, ou si on a oublié, il va être urgent et essentiel d’apprendre 😉

J’ai bien conscience que les garde-fous que je préconise sont individuels. Parce qu’il faut d’abord savoir veiller sur soi pour être utiles aux autres. Quant aux garde-fous collectifs, je ne suis certaine que d’un truc : ils ne seront pas institutionnels.

Aurons-nous l’imagination, l’audace et l’envie ?

Rédaction

3 thoughts on “Leurs mots….. des maux

  1. C’est la guerre… C’est la guerre… C’est la guerre, soliloquait celui qui ne semblait pas comprendre ce qu’il lisait sur son prompteur, comme un pantin découvrant qu’il a été abusé ? Ou aveux terrifiant : après la répression contre les Gilets Jaunes, prétexter de la COVID pour instaurer un un despotisme permanent.
    JT

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