À l’occasion d’un interview de France 3, j’ai été amené à réfléchir sur la première année de « Poitiers Collectif » à la mairie de la ville menée par la maire L. Moncond’huy (EELV- Europe Écologie Les Verts)
Il y a un an, le 28 juin se tenait le deuxième tour des élections municipales à Poitiers.
Rappelons les résultats :
- Leonore Moncond’hui (« Poitiers Collectif ») :42,83 % (3711 voix au premier tour et 5995 au second)
- A. Claeys (Parti Socialiste) : 35,6 %
- Anthony Brottier (LREM) : 21,56 %
Ces élections virent un taux de participation très faible. Le taux de participation fut de 33,19 % au second tour (36,10% au premier).
Une grosse surprise
La grande surprise fut l’échec de la candidature de l’ancien maire socialiste A. Claeys. Il y eu très peu de report de voix depuis sa gauche vers sa candidature, ce qui n’étonna personne, mais également depuis la droite LR. En effet, alors qu’il avait donné des gages à cet électorat, alors qu’aucun candidat LR ne participait à ce second tour et que Les Républicains voient les macronistes comme leur principale source d’affaiblissement, l’électorat LR n’avait pas choisi une sorte de « vote utile » en faveur d’A. Claeys. On assista donc bien à un rejet sans appel de part et d’autre du système Claeys.
De l’autre côté, l’électorat de gauche qui avait voté NPA ou « Osons 2020 » s’est massivement reporté vers la liste « Poitiers Collectif ».
Entre les deux tours, une surprise fut la volonté de « Poitiers Collectif » de ne pas fusionner avec la liste « Osons 2020 » menée par C. Fraysse et J. Arfeuillère qui avaient pourtant défriché le chemin d’une l’alternative écologiste et de gauche à la gestion Claeys durant tout le mandat, en accompagnant systématiquement les critiques de propositions réelles.
Entre les deux tours j’avais risqué l’analyse (voir l’article et la vidéo ici) que le projet politique de « Poitiers Collectif » était celui de la recomposition d’une « gauche plurielle » à la Jospin (alliance PS, PCF, EELV sous hégémonie PS) mais cette fois-ci sous hégémonie EELV. Cela impliquait de se débarrasser coûte que coûte d’une vision plus à gauche, plus « radicale » au sens étymologique « qui va à la racine des choses » . Nous retrouvons cette même volonté de ne pas s’allier avec sa gauche lors du 2ème tour des Régionales de 2021 qui a vu la liste EELV de Nouvelle Aquitaine, après le refus du PS de s’allier, ne même pas prendre contact avec la liste « On est là! » (LFI, NPA). Le recours régulier au mot « continuité » initié par L. Moncond’huy dès le soir de la victoire de 2020 donne à penser que l’objectif d’EELV est d’occuper l’espace politique du Parti Socialiste. Nous retrouverons le même débat pour les prochaines présidentielles mais avec des rapports de force différents sans doute.
La victoire de la liste menée par Europe Écologie-Les Verts (EELV) fut une surprise pour tou-tes, y compris pour la liste « Poitiers Collectif » elle-même.
Au bout d’un an de majorité municipale de « Poitiers Collectif » quel bilan en tirer ?
Tout d’abord il faut rappeler que nous vivons une crise sanitaire inédite et on ne se saurait l’oublier à l’heure de porter un jugement critique sur la mairie actuelle de Poitiers.
Des sujets de satisfaction
Au chapitre des sujets de satisfaction de notre point de vue, je propose de lister quelques points en rupture avec la méthode Claeys:
- le refus ferme de maintenir l’aéroport de Poitiers (voir ici les arguments ici )
- la mise à plat avec les premiers intéressé-es des critères de subvention aux association culturelles
Pour le reste et pour l’instant – je dis bien « pour l’instant » – rien d’autre ne me saute au yeux. J’attends par exemple avec impatience de voir le prochain Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) : les habitant-es de la commune seront-ielles associé-es au remodelage des constructions de la ville ?
Au chapitre des points négatifs
- Le représentant « Poitiers Collectif » de la Commission Locale de l’Eau (CLE) a voté en faveur de la possibilité des « bassines » malgré toutes ses critiques et malgré le programme et l’engagement public de « Poitiers Collectif » ;
- Les élu-es de « Poitiers Collectif » dans leur majorité ont voté en faveur de la fusion des hôpitaux de Châtellerault et de Poitiers alors que le vote n’était qu’indicatif et pouvait donner lieu facilement à un vote en contre de la réduction du service public hospitalier.
- Grand Poitiers, sans opposition de « Poitiers Collectif », privilégie le solaire sur les terres agricoles (les « parcs au sol ») au lieu d’orienter le solaire vers les toitures existantes.
- l’absence de changement à Vitalis
- l’évitement du débat sur la vidéo-surveillance par le maintien de l’existant
- une gestion de l’existant sans appel à une politique alternative sociale
Deux décisions symptomatiques
À l’occasion de l’augmentation de 300% des impôts locaux de Grand Poitiers comme lors de l’expulsion judiciaire des occupant-es du TAP en lutte contre la réforme de l’assurance chômage, c’est bien la présidente de Grand Poitiers qui était sur le devant de la scène. La maire de Poitiers et les élu-es communautaires de « Poitiers Collectif » ont avalisé ces deux décisions on ne peut plus discrètement. Revendiquer les décisions valorisantes et se cacher pour les autres, cela ressemble bien à la vieille politique. C’est également un mauvais signal pour les classes moyennes qui payent l’impôt et pour les chômeurs, dont les intermittent-es du spectacle, qui devaient voir leurs droits régresser au 1er juillet.
Alors ?
Un des grands sujets de « Poitiers Collectif » fut la participation citoyenne de la population. Il y a de nombreuses tentatives sur le sujet de la part de la majorité municipale, avec des succès divers. C’est une question compliquée, pensons notamment aux taux d’abstention aux élections qui ne cessent de grimper. À notre très humble avis, cela passe par l’écoute mais surtout la prise en compte des demandes des habitant-es qui s’organisent (comité et conseils de quartier, associations, syndicats…). « Poitiers Collectif » est-il prêt à cela ?
Notre vraie divergence avec « Poitiers Collectif » ne se situe pas au niveau des egos (que faire de si prenant qu’être élu-e sans un fort ego ?), ni au niveau des intentions personnelles plus ou moins bonnes (les élu-es de « Poitiers Collectif » sont tou-tes des personnes éminemment respectables). Je ne pense pas que « Poitiers collectif » trahit ou se trompe. « Poitiers collectif » comme tout groupe politique fait des choix, ce qui est le propre du politique, et ces choix sont légitimes. La vraie question est notre accord avec ces choix.
Pour notre part, alors que cette voie n’a pour l’instant pas de succès électoral, je persiste à penser que le capitalisme vert -le projet d’EELV – est toujours du capitalisme à savoir un système par nature basé sur la croissance de la circulation de marchandises (fussent-elles marquée du sceau de l’écologie), sur l’exploitation de la plus-value (le surtravail salarié) et générant des crises régulières et mortifères de surproduction. Le moins pire reste du pire.
Je prêche pour une rupture avec le système capitalisme avec la force motrice des mouvements sociaux, articulée – et c’est bien là le plus compliqué – avec LE politique (une vision globale de la société) qui comprend LA politique (les partis, les élections, une certaine gestion des pouvoirs d’État). Pas simple. Un pari. Mais comment affronter les urgences de fin de mois et de fin du monde autrement ?
Pascal Canaud, ancien membre de « Osons Poitiers (2014) et « Osons 2020 » mais ce texte n’engage que moi.
Un complément d’information : à l’origine de « Poitiers Collectif »
EELV était leader dans la liste « Osons Poitiers » de 2014, liste citoyenne qui regroupait aussi le Parti de Gauche de Mélenchon, le NPA et Ensemble!. Cette liste eu 4 élu-es dont 2 militaient au parti vert.
Après l’alliance d’EELV au niveau régional avec le PS d’A. Rousset, ses deux élu-es démissionnèrent de leur organisation mais restèrent élu-es à la mairie, avec l’accord d’EELV.
Un des élu-es anciennement EELV décida finalement de démissionner ce qui permit à EELV d’avoir de nouveau une élue encartée.
Un an avant les élections municipale de 2020, EELV avait publiquement pris ses distances avec « Osons Poitiers » pour mettre sur la rampe de lancement leur candidate L. Moncond’huy : femme, jeune et à la fois expérimentée (elle était élue dans le saint des saints du Conseil Régional, la Commission permanente).
Cette mis en orbite s’accompagna de l’idée de « Poitiers Collectif », un collectif citoyen qui tourna le dos au legs des élu-es de « Osons Poitiers » et regroupa, sous hégémonie EELV, « Génération.s » (les dissidents du PS de B. Hamon) et le PCF (qui faisait partie de la majorité PS depuis 1977 mais qui voulait s’en éloigner en 2020).
La stratégie fut payante que de combiner une structuration autour des partis mais avec une communication basée sur l’horizontalité de la structure et la réelle participation de non-encarté-es. Cette sorte de « en même temps » (candidate jeune ET expérimentée ; changement ET rejet de toute rupture franche avec le système Claeys ; cartel de parti ET image de citoyen-nes égaux) permit de regrouper des votes aux motivations très différentes.
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