Cahiers de prévenances
( avec un zeste de nonchalance).
Sur l’Énergie.
La démarche
– Alerter et se concerter
À l’issue des journées d’été du Collectif Arrêt du Nucléaire dans le Cotentin, il est
apparu souhaitable que la population interpelle l’Autorité de Sûreté du nucléaire dans
toutes ses divisions sur le territoire français.
Il ne s’agit pas de faire allégeance à cette institution si peu indépendante du lobby
nucléaire, il s’agit de passer par son intermédiaire paré du titre d’« autorité » pour prévenir la population des dangers liés aux choix qui nous sont imposés. Et cette prise de conscience doit être le prélude d’une prise de responsabilité.
Des Cahiers de Prévenances en seront le support. Ce nom fait écho aux cahiers de
Doléances qui ont servi d’amorce à la Révolution française. C’est une occasion de
rassembler et de faire interagir les forces de Résistance face aux abus de pouvoir d’un État dans l’État. Nous collecterons remarques, questions et décisions nées de la discussion collective.
Les Cahiers de Prévenances ne seront pas une plainte adressée au pouvoir vertical
mais une prise en main afin de prévenir plutôt que guérir en faisant preuve d’une
large « prévenance » c’est à dire une attention portée à tous les vivants. Des rebelles pleins de prévenances ? C’est une grande nouveauté en ces temps de sans gêne et d’arrogance !
Nous ajoutons entre parenthèses un zeste de nonchalance pour désamorcer
l’injonction capitaliste d’être toujours le plus fort, le plus irréprochable… Nous laissons une
place aux erreurs que nous corrigeons sans pathos. Reconnaître une erreur c’est déjà un pas vers un progrès .
Comment, en pratique, rédiger les cahiers ?
– I – Installation nucléaire : Comment a été prise la décision, mensonges, complicités. « Responsables » locaux amadoués par des avantages matériels. Résistance neutralisée…
II – Historique des abus et des défaillances, dissimulation, mensonges, mépris de la santé … Les mêmes défauts se retrouvent partout : dangers minimisés de la radioactivité, fuites de tritium (la toxicité du tritium est notoirement sous-évaluée), acier trop cassant ou trop mou, enceinte de béton fissurée, maintenance confiée à des intérimaires mal suivis médicalement… Les travailleurs et tous ceux qui ont peu ou prou à faire avec le nucléaire ne sont pas exempts de questionnements, c’est aussi à eux que nous pensons.
III – Place dans la chaîne nucléaire et dans le système. Ouvrons les yeux sur les conséquences et les prolongements parfois lointains des choix imposés : de l’extraction de l’uranium jusqu’à Bure, en passant par Malvesi et l’EPR , jusqu’à l’arme nucléaire et à Ubris (1) qui inspire une folie destructrice aux dirigeants .
La situation économique et politique ne sera pas esquivée : le nucléaire est une
totale faillite. Il ne tient en France que par la collusion de l’appareil d’État et ses
ramifications locales avec les intérêts privés. Grâce à une entreprise nationalisée, EDF, et
des contribuables solvables à merci, le service public est dévoyé et les entreprises privées
(ex : Creusot Loire) profitent à plein de choix faits sciemment à perte.
La même dérive se vérifie aux États Unis : le nucléaire est abandonné dans les États
où la production d’électricité est privée car il est ruineux, surtout dans le temps. Il n’est maintenu que dans les États où la production est publique…
La toute puissance de l’État et la corruption généralisée qui découle de ce système
font de la France le pays le plus nucléarisé au monde… Dans ce «cher et vieux pays», arc bouté sur la bombe, qui n’hésite pas à contaminer sa population et celle des autres pays jusqu’aux antipodes et pour des millénaires, la complicité perverse du « Public » permet à l’Ubris des entreprises capitalistes d’être encore plus effrénée : un comble !
IV -Dénoncer le leurre que constituent l’ASN, Ethos et autres paravents dits de «radioprotection » désarmés devant la pollution radioactive. Leur parade consiste à reporter la « responsabilité » … sur les victimes !
Les questions qui suivent découlent des aveux que le représentant ASN a faits
devant le Conseil d’État sur requête de l’Observatoire du Nucléaire : nous savons donc
déjà qu’elles sont sans réponse, elles méritent néanmoins d’être posées publiquement :
Aveu 1 : l’ASN est tributaire des informations que lui fournit – ou pas – EDF
> Quelles sont vos sources d’informations ? Que pouvez vous faire s’il y a rétention
d’information de la part de l’exploitant ?
Aveu 2 : l’ASN, pas plus qu’EDF, n’a les moyens de vérifier si les normes sont respectées : la responsabilité est déléguée aux industriels.
> Quels moyens avez vous de vérifier si les normes sont appliquées par les industriels ?
Et si vous n’en avez pas, comment vous accommodez vous de cette situation ?
Aveu 3 : pendant les manœuvres d’arrêt, les pompes du circuit primaire doivent être arrêtées mais un redémarrage intempestif peut se produire
> Quelles sont les conséquences d’un tel redémarrage ?
> Quelle est votre ligne de conduite devant ce risque si mal maîtrisé : « faire encore plus
attention qu’attention » ? ou refuser un pari aussi stupide que de laisser rouler une
voiture refusée au contrôle technique ?
Aveu 4 : un excès de carbone est moins dangereux à haute température, l’acier présente alors de meilleures caractéristiques… mais ces performances décroissent « en situation transitoire » : quand la température baisse, l’acier devient alors plus « sensible ».
> – Lors d’un accident, l’acier se comportera bien à haute température mais le
refroidissement d’urgence risque de le fragiliser. C’est comme si, dans une voiture, les
roues, prévues pour rouler à 200 à l’heure, risquaient de se dévisser en ralentissant.
Les précautions sont calculées pour des paroxysmes : que fait on si ces paroxysmes
s’emballent ? Et si les dangers s’aggravent avec un retour au calme ??….
Plus on explique et moins c’est rassurant.
Constat valant comme aveu 5 : Concernant la teneur en carbone :
trop de carbone > l’acier est cassant, vulnérable aux chocs, thermiques et autres,
pas assez de carbone > l’acier est mou et se déforme.
Il faut un équilibre parfait, facile à calculer sur le papier mais impossible à atteindre
matériellement et, en tous cas, pas de façon homogène. L’erreur est dite « exclue » alors
qu’ elle est inévitable…
Les aveux de l’ASN ouvrent de nouveaux abîmes d’absurdité dans l’abîme d’absurdité de l’industrie nucléaire. Toute la situation est d’une limpide absurdité : l’erreur est humaine, le nucléaire exige une infaillibilité inatteignable donc le nucléaire est inhumain. Il faut l’arrêter.
V – Arrêt d’Urgence ! Depuis 40 ans, les périls s’accumulent et si un accident survenait, ce qui est reconnu comme plus que probable, il faudrait réagir dans l’urgence. Ayons la même urgence en tête pour faire en sorte que cela n’arrive pas : affirmons la nécessité d’arrêter cette chaîne inhumaine dans les plus brefs délais.
VI – Une autre logique : – Inventorier les besoins et décider des moyens.
Une fois la chaîne infernale arrêtée, la suite nous appartient collectivement. Un travail de longue haleine va se mener, maison par maison, quartier par quartier. Les décisions seront prises en responsabilité et prévenance par les gens concernés.
Des scénarios existent déjà mais les experts qui les ont imaginés reportent l’arrêt à une date lointaine alors que l’urgence est là : nous ne pouvons pas faire l’économie d’une rupture avec les habitudes actuelles.
Un résumé du cahier local sera distribué, par ex sous forme d’un dépliant .
VII – Présentation publique avec invitation des « autorités » dans un lieu choisi par nous.
La « mise en scène » pourra être minimale. Il suffira de lire, à hautes et intelligibles voix, les points les plus saillants des cahiers. Si les autorités sont présentes : ASN, Préfecture… elles devront répondre et les aveux seront rendus publics. Si elle est absente, sa dérobade justifiera son remplacement par une marionnette. A chaque accusation, la marionnette répétera : « le nucléaire est une énergie propre, tout est sous contrôle »
Quelqu’un ayant le sens du théâtre peut donner plus de cohérence et d’impact à l’entreprise : il s’en trouve dans nos entourages.
Les premiers Cahiers ne seront que l’amorce d’une démarche collective qui se
poursuivra indéfiniment, dans un esprit de « prévenance » envers les autres vivants, sans
oublier les générations futures.
C’est parti !
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(1) : Les Grecs anciens n’avaient pas la notion de péché mais ils craignaient plus que tout Ubris ( qui peut s’écrire Hybris) : c’est le nom qu’ils donnaient à la folie aveugle qui s’empare de ceux qui s’enivrent de pouvoir : les tragédies antiques racontent la chute des héros en proie à la démesure d’Ubris et punis par Némésis, la vengeance de l’histoire.
En oubliant de nommer cette force maléfique, en cessant de nous en protéger, nous lui avons laissé le champ libre… avec les conséquences qui déferlent autour de nous…
Amitié libère Terre
F.C. pour les AT-Poitou