Cela n’aura pas échappé aux observateurs et observatrices avisé.e.s du monde agricole : « l’agitation » actuelle dans le milieu est aussi (surtout ?) liée aux prochaines élections aux chambres d’agricultures. Ces dernières auront lieu en janvier 2025 (par internet !) et détermineront le poids respectif de chacune des organisations syndicales agricoles qui se présentent. Un des enjeux actuels est bien la remise en cause du syndicat qui fait la pluie et le beau temps au ministère de l’agriculture depuis des décennies, la FNSEA avec ses déclinaisons locales, FDSEA et JA. (Jeunes Agriculteurs.trices) Mode de scrutin très favorable à celui qui est arrivé en tête, (même s’il est minoritaire en voix) poids des filières professionnelles, de l’agro-industrie, etc. tout a été fait pour maintenir la main-mise de la FNSEA sur les orientations prises depuis l’après-guerre et toutes les contradictions qui vont avec.

L’évolution démographique du milieu a son importance pour ce nouveau scrutin : avec une baisse continue du nombre d’actifs, c’est un électorat qui s’étiole peu à peu. Les élections qui se sont déroulées ces dernières décennies sont à l’image de la crise agricole et de la disparition de nombre d’exploitations touchées à la fois par les crises sectorielles (élevage, production laitière) et par l’industrialisation de l’agriculture : toujours plus de mécanisation, augmentation continue de la taille des exploitations, (les gros absorbant ceux qui partent…) standardisation des productions, développement des productions hors-sols. Toujours plus de machines, toujours moins de paysan.ne.s, toujours plus de grandes exploitations et toujours moins de fermes.

Le poids de la « paysannerie » (comme on disait encore récemment) ne cesse de diminuer dans le pays. Même si on peut toujours facilement bloquer une ville, un rond-point ou une préfecture avec des tracteurs, des remorques et des tonnes à lisier…

  • En 2020, il restait en métropole 390 000 exploitations, soit 20 % de moins qu’en 2010, (Données : https://vizagreste.agriculture.gouv.fr/evolution-du-nombre-d-exploitations.html)
  • En 50 ans, leur nombre a été divisé par 4 passant de 1 600 000 à moins de 400 000,
  • L’élevage (d’abord bovin et ovin) est très touché : -30 % entre 2010 et 2020, (- 63 500 exploitations)
  • Le seul secteur qui voit le nombre d’exploitations augmenter est l’horticulture/maraîchage et une moindre baisse pour les grandes cultures céréalières
  • Concernant les actifs agricoles, la chute est continue depuis 50 ans : de 2,4 millions en 1970 à 660 000 en 2020. (https://vizagreste.agriculture.gouv.fr/emploi-agricole.html)

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Dans la Vienne, les prochaines élections remettent en jeu la majorité (relative) gagnée par la Coordination Rurale en 2019 (40,71% et 734 voix) prenant la place de la FDSEA, (38,16% et 688 voix) la Confédération Paysanne obtenant 21,13 % et 381 voix. Une « révolution » dans le département, la domination de la FDSEA ayant ainsi pris fin après des décennies de règne sans partage…

Ce qu’il faut noter d’abord, élection après élection, c’est l’affaiblissement de la FDSEA : entre 1995 et 2019, elle est ainsi passée de 2 241 voix (43,18%) à 688 (38,16%) en 2019, soit une division par 3.

Mais surtout ce que l’on observe, c’est la diminution considérable du nombre d’inscrits passés de 9 472 en 1995 à 4 403 en 2024 : divisé par plus de 2 en 30 ans ! Disparition des fermes, des actifs.ves et… des électeurs et électrices !

Autre point à noter, c’est l’abstention chez les paysan.ne.s : près de 50 % depuis 1995, sauf en 2007 (62 % d’exprimés) avant de s’effondrer en 2019 avec 38,9 % de participation seulement. A quoi ça sert de voter puisque nous continuons de disparaître…

Une abstention qui a d’abord pénalisé la FDSEA perdant près de la moitié de ses voix entre 2013 et 2019 (de 1 210 à 688). Les autres syndicats ont également baissé mais moins en proportion au bénéfice de la Coordination Rurale 86 qui a « mordu » sur l’électorat de la FDSEA (gestion de la Chambre d’agriculture, crise dans l’élevage, revenu agricole en chute,…)

La Confédération Paysanne 86 a aussi perdu des suffrages (de 536 à 381 entre 2013 et 2019) à la faveur de la disparition des petites exploitations plus sensibles aux idées (et pratiques !) de la Conf. défendant une agriculture paysanne, l’installation de paysans et paysannes, une agriculture saine et de proximité, etc.

Le tableau est identique et amplifié chez les retraité.e.s avec une baisse des inscrit.e.s de 13 938 en 2013 à 10 026 en 2024 : presque 4 000 de moins en 10 ans. La participation a encore baissé pour s’établir à 23,25% en 2019 contre 32,15% en 2013… Et ce n’est pas chez les retraité.e.s que la FDSEA a trouvé du réconfort : -22% entre les deux dates. (de 2 569 à 937 voix, 35,9% contre 57,8 %)

C’est à la CR qu’a profité le vote, doublant son score de 20 à 40 % avec une légère augmentation de ses voix. La Conf a aussi perdu des voix mais augmente en % passant de 21,3 à 23,3 confortant son influence, même minoritaire.

La lutte actuelle entre FNSEA et CR pour marquer leur influence avant 2025 passe par un affrontement médiatisé à coup de blocages divers et de connivence politico-médiatique où les enjeux de fond sont mis de côté pour maintenir un système agro-industriel à bout de souffle. Quid du revenu des paysan.ne.s et du renouvellement des générations ? Des prix garantis et stables ? De l’usage des pesticides ? De l’appauvrissement des sols ? De la défense des paysages ? De la qualité et du partage de l’eau ?

Trop de normes ? Trop de contraintes ? Trop d’aveuglement surtout qui ne résoudra pas la « crise agricole » actuelle où on confie au pyromane le soin d’éteindre (d’étendre ?) le feu.

Nous aurons l’occasion de mesurer dans quelques semaines le résultat de la situation de crise structurelle actuelle : on continue comme avant et le dernier sorti éteindra la lumière ?

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D. Leblanc

Dom

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