On s’accorde bien souvent à dire que sur les questions dans le domaine agricole, les gouvernements successifs ont été à la remorque du « puissant » syndicat agricole auquel on ne peut rien refuser. Où pour le moins, les orientations et décisions essentielles passent d’abord au filtre de « son expertise » . Un syndicat qui domine « le monde paysan » depuis l’après-guerre et se trouve être de fait, LE ministre de l’agriculture.

Imaginez que depuis la Libération, 84 ministres (!) se sont succédés dont 54 pour la seule 5ème République !!! Et seulement 2 femmes : Edith Cresson pendant deux ans (mai 1981-mars 1983) et Elisabeth Borne restée ministre… 1 mois en 2017.

« Tout-puissant » mais de moins en moins nombreux

La FNSEA donc qui verrouille le secteur agricole depuis des décennies mais dont la puissance est aujourd’hui bien affaiblie dans le milieu lui-même, à mettre en regard de la chute continue de la population active agricole qui s’élevait en 1982 à 1,6 million d’actifs, soit 7,1 % de l’emploi total en France. Ce nombre n’est plus que de 410 000 actifs en 2018… (1,5 % du total des actifs) et aujourd’hui plus de la moitié a plus de 50 ans.

D’après l’INSEE, la baisse continue en 2019, avec 400 000 exploitants : le nombre d’agriculteurs.trices a été divisé par 4 en 40 ans. Le recensement agricole de 2020 n’annonce plus que 389 000 exploitations : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/disaron/Pri2105/detail/ (soit 100 000 de moins qu’en 2010). Où sont passées les blocages de préfectures des années passées (et la violence qui allait avec…) et leur arrosage à coup de lisier, aux frais du contribuable ?

Entrons dans le détail des rapports de force internes à la profession et de la réalité de cette puissance contrariée…

La chute continue…

Un indicateur pertinent de l’affaiblissement de la FNSEA, c’est déjà sa capacité à mobiliser « ses troupes » pour les élections aux chambres d’agriculture. Si on ne devait retenir qu’un chiffre, c’est celui de la participation des agriculteurs.trices (collège 1, chefs d’exploitation et assimilés) aux dernières élections en décembre 2019. (https://chambres-agriculture.fr/elections2019/resultats-des-elections-2019-des-chambres-dagriculture/) Pour la première fois depuis que le vote aux chambres d’agriculture existe, la participation est passée sous les 50 % à 46,52 % contre 54,34 % en 2013 soit une baisse de près de 8 % ! En 2007, la participation était de 65,5 %…, (et de 68,35 % en 1983) elle aura donc chuté de près de 20 % en 12 ans avec des effectifs d’actifs bien supérieurs. Ce qui doit interroger les syndicats agricoles, mais d’abord celui qui prétend représenter toute la profession. Ajoutons que même minoritaires en voix, les FDSEA sont souvent largement majoritaires en sièges : le premier rafle la mise ! Dans les Deux-Sèvres, avec 52 % des voix (et une participation de 39,91 %) la FDSEA/JA a 14 sièges et en laisse 4 aux minoritaires ! Manque de chance pour la FDSEA/JA de la Vienne, le déséquilibre de représentation peut aussi jouer contre elle : c’est la Coordination Rurale 86 qui a pris l’avantage en 2019 avec 40,7 % (734 voix, 13 sièges) contre 38,16 % à la FDSEA/JA (688 voix, 3 sièges) et 21,13 % à la Confédération Paysanne. (381 voix, 2 sièges)

… mais l’influence demeure

La baisse considérable et continue du nombre des actifs conjuguée à la chute de la participation aux élections aux chambres ont contribué à fragiliser la main-mise de la FNSEA sur le milieu agricole mais cela sans remettre en cause son impact sur les politiques publiques mises en œuvre depuis 40 ans. La cogestion a installé le « syndicat majoritaire » dans tous les rouages y compris chez les élus locaux qui en particulier en milieu rural sont souvent issu du milieu agricole : la connivence, même passive fait le reste. Quant au poids des structures professionnelles, (chambres d’agriculture, instances diverses, coopératives, filières professionnelles par produit,…) il pèse lourd sur des réorientations possibles du secteur. Le choix de la FNSEA, c’est définitivement celui de l’agro-industrie, des semenciers et fabricants d’intrants avec entre autre une communication rodée pour « valoriser les produits de nos terroirs » . Un paravent qui cache une politique tournée invariablement vers l’agrandissement des fermes, la mise en place de « sociétés d’exploitation agricole » et la captation par les plus gros (la prime à l’hectare) des subventions de l’Europe. (la PAC)

Le passage en force

Au travers de la défense de l’irrigation industrielle que met en place le développement des bassines, la FNSEA renouvelle son engagement en faveur de l’agro-industrie. Mais avec un problème : laisser sur le bord (de la bassine !) nombre d’agriculteurs.trices dans les Deux-Sèvres et ailleurs qui n’auront pas accès à cette manne de l’eau stockée. Il n’y a pas de place pour tout le monde mais comme il n’y a déjà pas assez d’eau… c’est aussi son propre « électorat » que la FNSEA déstabilise. Les remous au sein même de la « Coop de l’eau » censée réunir les irrigants montrent bien les limites de la manœuvre. Un peu d’eau pour des maraîchers, pour quelques éleveurs et tout le reste pour le maïs. Avec le soutien sans faille de Macron et du gouvernement qui s’obstinent à foncer dans le mur, la FNSEA a sans doute un atout-maître mais ça ne marchera pas. Le principe de réalité les ramènera sur terre mais nous aurons la tête dessous.

Reste la lutte, la « politisation » des enjeux de l’eau au sens de l’information à diffuser, des alternatives à promouvoir, des convergences à construire plus que jamais, des « vieilles lunes » à faire tomber et des mensonges à dénoncer.

D. Leblanc

D. Leblanc

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