Un article de Thomas Sahabi envoyé à web86.info :

Le petit maraîchage ce n’est pas une activité bassement commerciale qui nuirait à la Culture et à la mémoire de Jean-Richard Bloch !

Une affaire montée en épingle publiquement dans des proportions démesurée : la mairie de Poitiers prévoit sur un bâtiment culturel qui lui appartient mais non ouvert au public  – la Villa Bloch – de laisser à disposition une partie des grandes pelouses inutilisées pour aider à une maraîchère qui s’installe dans le quartier et qui cultivera aussi d’autres terres dans cette zone semi-rurale qui est à deux pas des immeubles des Trois-Cités et qui est préservée dans son caractère rural.

Cris d’orfraies de la petite-bourgeoisie culturelle, vaguement de gauche, et notamment des descendants de l’ancien propriétaire des lieux : l’écrivain Jean-Richard Bloch. Réponse à ces derniers et à la pétition qui a été initiée avec des arguments « rouges et verts ».

Une pétition d’envergure nationale a donc été lancée et hélas signée par certains camarades, pour mettre des bâtons dans les roues à cette maraîchère. Les descendants de l’écrivain imaginent avoir « un droit moral » sur la maison alors qu’ils ont vendu celle-ci il y a 17 ans à la Mairie. Ce lieu doit être selon tous ces gens, consacré à la Culture (c’est déjà le cas, c’est une résidence d’artiste internationale) et ne doit pas être un lieu privatisé pour une activité commerciale.

Pour ma part, je connais la maraîchère qui prévoit de cultiver une partie des pelouses de la villa. Je connais aussi les lieux (j’y reviendrai) et la présentation qui est faite du projet est outrancière et ridicule.

Cette pétition est signée majoritairement par l’ancienne équipe municipale (qui a monté ce projet de résidence d’ artiste) ou par des parisiens qui ne connaissent pas le lieu. Pour les premiers, qui ne sont plus aux manettes, je les invite à  accepter que ce lieu puisse évoluer dans un sens qui n’était pas le leur (et je dis ça d’autant plus facilement que je ne soutiens pas la nouvelle équipe), pour les seconds, une petite visite s’impose pour qu’il jugent le projet avec un peu plus de mesure et de discernement.

Du haut de leurs confortables revenus de plasticiens ou d’universitaires pour certains d’entre eux, à les lire on pourrait s’imaginer que Disneyland s’installe à la villa Bloch et que la « populace » va en faire un lieu de consommation décadente.

Alors qu’il s’agit juste d’une petite maraîchère qui travaillerait seule et qui cultiverait l’équivalent en surface d’un carré de 30 m par 30 à la marge des grandes pelouses inutilisées de la Villa en plus d’autres terrains du quartier. C’est ça une activité commerciale ? Qu’ils balayent devant leur porte ces plasticiens dont leur cote dépend du marché et des mécènes privés avec une rémunération qui sera toujours bien supérieure à celle d’ un maraîcher bio.

C’est là où l’on voit toute la morgue et le mépris de classe d’une grande partie du monde de la Culture, après le passage de Jack Lang dans ce ministère. Depuis près de 40 ans, cela a eu pour effet de couper définitivement les beaux-arts de la culture populaire et ouvrière, jusqu’à créer un entre-soi mondain artistique totalement hermétique au monde du travail et au mouvement social. Le monde du travail c’est de ça qu’il s’agit avec une activité de petit maraîchage, ce n’est pas une « activité commerciale ».

Par ailleurs ils crient « privatisation d’un espace public ». La ville est propriétaire du terrain c’est le rôle d’une municipalité de louer des terres, de la même manière qu’elle peut louer un local pour en faire une boulangerie, une buvette, etc… si elle estime ça utile à la collectivité. Et en l’occurrence préserver le quartier de la Mérigotte pour conserver son côté rural et installer de l’agriculture extensive, c’est utile…

Et venant de Ernest Pignon-Ernest, que j’apprécie pourtant, et dont toute l’œuvre est faite sur le domaine public (la rue) c’est assez cocasse qu’il veuille mettre fin à ce projet sur cet argument là d’accaparement de l’espace public.

Quand à la dénaturation du lieu… parlons en. L’aménagement de la villa pour le projet de résidence a nécessité de refaire de la voirie, une rampe PMR, des espaces techniques, un assainissement autonome planté de roseaux de 40 m² (j’y ai contribué professionnellement et je suis sûr que nos cultureux doivent trouver les plantes aquatiques qui sont en contrebas de la parcelle absolument affreuses).  Je ne parle même pas de certains aménagements intérieurs design d’un goût discutable (du Valérie Damidot mais en plus snob), changeant complètement le lieu et en ne préservant de son aspect d’origine que le bureau de Jean-Richard Bloch ; et si ce bureau a été sauvé et mis en valeur c’est par le travail des fonctionnaires du service culturel de Poitiers qui prend soin du lieu, davantage que par les idées loufoques des architectes qui ont suivi l’opération. Des choses autrement plus impactantes qu’un parterre de lavande et de romarin, dont la culture est tout à fait pertinente sur le lieu : coteau calcaire sec orienté plein sud, et qui permettra de casser la monotonie de la pelouse de type « Jardiland » qui a été semée.

Pour rappel Bloch et sa fille étaient communistes. La collectivisation des terres arables c’est communiste et d’une certaine manière ce projet va dans ce sens, même s’il ne représente pas grand-chose à l’échelle globale.

France Bloch-Serazin bien qu’ayant fait des études brillantes, a épousé un ouvrier. Et d’une certaine manière, laisser un espace agricole à côté d’un lieu de haute culture ça me semble tout à fait conforme à l’esprit qui pouvait être celui des intellectuels communistes du 20ème siècle : une certaine exigence culturelle et un haut niveau intellectuel, tout en étant proche du monde du travail dans leurs actions.

Faut-il créer une contre-pétition ? Pourquoi pas !

Thomas Sahabi

Thomas Sahabi

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