Profitons de l’été 2022 pour faire le point sur un dossier qui « anime » divers quartiers de Poitiers et particulièrement ceux de la Gibauderie et du Pont Neuf. Depuis des mois, les riverains de ces quartiers assistent, le plus souvent impuissants, à des bouleversements considérables de leur proche environnement. A coup de permis de construire, c’est en effet tout un environnement urbain qui est modifié en profondeur. Le tout sous couvert du Plan Local d’Urbanisme (PLU) qui permet des opérations immobilières de grande ampleur sans qu’il soit possible (?) de remettre en cause les dites opérations…

Sauf que… sauf que ces bouleversements rencontrent de plus en plus l’opposition déterminée des riverains qui, ne comprenant pas l’attitude des autorités municipales successives constituent des collectifs locaux bien décidés à empêcher la destruction de maisons et des jardins attenants ou des constructions sur des parcelles encore libres de toute urbanisation. Ces mobilisations encore très éclatées ne demandent qu’à se coordonner, qu’à se fédérer pour se faire entendre avec la volonté de remettre à plat l’ensemble des questions touchant à l’urbanisation, dossier qui touche les poitevin.es et bien au delà des limites communales.

Avec une première question et la demande associée : comment permettre à chacun.e de s’emparer de la mise en œuvre du Plan Local d’Urbanisme et de ses évolutions ? Il est en effet pour le moins étonnant que sur des questions aussi essentielles, on ait comme réponse à propos de la délivrance des permis de construire, « l’impossibilité légale de communiquer sur des dossiers en cours d’étude » . Une réponse un peu courte, qui ajoute à l’incompréhension des habitant.es vis à vis des nouvelles autorités municipales qui ont fait de l’implication citoyenne et de la prise en compte de l’avis des habitant.es un axe essentiel de leur projet municipal. L’ensemble des documents et procédures qui constituent un PLU sont tellement denses et complexes que sans une volonté politique affichée et assumée de les rendre compréhensibles et amendables, on ne permettra pas que la population puisse se les approprier. Car il s’agit bien d’une question politique, non d’un objet « technique » qui serait en « suspension » au dessus des politiques municipales et donc hors de portée d’implications politiques concrètes. Il n’y a qu’à lire les « Orientations d’Aménagement », (les OA) document essentiel lié au PLU pour s’en convaincre. Le document en question révisé en conseil municipal en septembre 2019, à la veille des élections municipales de 2020 dit beaucoup, dans ses évolutions de vocabulaire sur l’orientation donnée aux OA. Comment interpréter les appréciations concernant la question du pavillon individuel contre le besoin de densifier le bâti au nom de la maitrise de l’étalement urbain ?

Extraits :

– OA 2011 (page 7) : « l’habitat individuel isolé : Soit construit de manière diffuse dans le tissu urbain ou de manière plus organisée par la procédure de lotissement, il prend la forme d’une construction isolée au milieu de la parcelle avec 4 façades non mitoyennes. Les constructions peuvent être variées mais l’homogénéité du parcellaire renvoie souvent une image paysagère uniformisée de par son implantation. La consommation d’espace y est importante et participe au processus d’émiettement urbain sur le territoire.
Avec une densité inférieure à 15 logements par hectare, elle renvoie l’image d’une forme urbaine permettant d’être chez soi. Cependant, les espaces délaissés ou sous-utilisés par une implantation sans réflexion au milieu d’une parcelle sont à l’origine d’une consommation excessive de foncier. »

– OA 2019 (page 11) : « l’habitat individuel pavillonnaire : Soit construit de manière diffuse dans un espace bâti plus ou moins organisé, soit constituant un ensemble urbain plus structuré par la procédure de lotissement, il prend la forme d’une construction isolée au milieu de la parcelle avec 3 ou 4 façades non mitoyennes. Les constructions peuvent être variées mais l’homogénéité du parcellaire renvoie souvent une image paysagère uniformisée, déterritorialisée, de par son implantation et les caractéristiques du bâti. La consommation d’espace y est importante et éventuellement contribue au processus d’émiettement urbain sur le territoire.
Avec une densité inférieure à 15 logements par hectare, il contribue rarement à l’intensité urbaine. Souvent accessible à des prix modestes en raison de la simplicité des constructions et de l’industrialisation du processus de fabrication, il est très prisé des accédants à la propriété, notamment des primo-accédants. Bien utilisée en zone urbaine, cette forme d’habitat peut contribuer à la mixité sociale. »

Mais à part quelques spécialistes, personnels administratifs et « techniciens » des services d’urbanisme, qui a connaissance de ces évolutions « linguistiques » qui ont des implications très concrètes dans les évolutions urbaines ? Qui est en mesure de dire où se situent les responsabilités dans les changements en question ?

Tout cela amène à se poser bien des questions et à tenter d’y apporter des réponses !

– Quelle planification urbaine mettre en place à l’échelle de la ville (et de l’agglomération) ? Cela existe-t-il dans d’autres villes et agglomérations ?

– Quelle consultation de la population dans l’élaboration des politiques publiques en matière d’urbanisme ? Pour les équipements nouveaux ou complémentaires dans les quartiers ? Quels dispositifs mettre en place pour interdire les « verrues » immobilières qui défigurent les quartiers ?

– Comment participer à la révision du Plan Local d’Urbanisme bientôt complété par la nécessité réglementaire du I comme Intercommunal ? Une municipalité qui plaide pour la participation citoyenne ne devrait-elle pas lancer un chantier (sans jeu de mots !) ouvert largement aux habitant.es où toutes les questions seraient mises sur la table ?

Les questions sont donc multiples et tissent un faisceau de sujets qui montrent qu’on ne peut dissocier élaboration démocratique, urbanisme, densification, déplacement, qualité du bâti, type d’habitat, qualité de vie, préservation et remise en valeur d’un patrimoine architectural qui, aussi modeste soit-il, doit être préservé au plus près des intérêts et des besoins de la population. A fortiori quand cette dernière est de condition modeste.

Au final, pour le « profit » de qui ? Des promot(u)eurs qui imposent toujours plus de béton et de goudron ? Des habitant.es quand l’herbe, les arbres et les animaux des jardins sont remplacés par des parkings et des immeubles ?

A l’heure où les bouleversements climatiques imposent de remettre à plat, où l’on construit ? pour quel(s) usage(s,) ? avec quels matériaux ? et où l’on parle de « renaturation » et de « débitumisation », les chantiers qui s’ouvrent sont considérables et plus que jamais urgents. La ville a besoin d’être respirable, au delà des micro-forêts urbaines et autres « points de fraîcheur ».

Toutes ces questions et bien d’autres sont et seront au cœur des réflexions et de l’action de la nouvelle association qui a vu le jour le 11 avril dernier, l’ADEPAH86. (Agir pour la Défense de l’Environnement, du PAtrimoine et de notre Habitat) Statuts en cours de dépôt et première initiative publique à la rentrée de septembre. (adepah86@laposte.net)

Web86 suivra cette affaire de près, bien entendu !

D. Leblanc

Dom

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