Depuis une semaine entière qu’ils militent pour cette marche pour la justice sociale, dont ils sont les initiateurs, le grand jour des gilets jaunes poitevins est enfin arrivé. Impossible depuis samedi dernier de manquer l’info. Ni non plus d’ignorer le bond en avant des relations entre le mouvement des gilets jaunes et le monde politique de gauche en général, partis, mouvements et syndicats confondus. Il est loin le temps des pudeurs inutiles, des prudences stériles. Enfin, on arrive à une nouvelle saison dans les épisodes, dits « actes » du mouvement. Et c’est tant mieux.

« Justice sociale ». Déjà l’idée apparaissait lors de la dernière marche pour le climat sur les pancartes. Aujourd’hui, elle est devenue le mot d’ordre. Emmanuel Macron et équivalents font bien tout ce qu’ils peuvent pour la virer, celle-là. Revenir au temps où l’identité devait être avant tout religieuse, et non sociale. Même le « Grand débat » ne désespère pas tout à fait d’en venir à bout, puisque la fameuse lettre comportait « cette allusion macronienne à la laïcité, revendication absente des mêmes cahiers de doléances. » Mais non, pas moyen, ce sera « Justice sociale » l’acte X à Poitiers ou rien. 

On avait bien compris que le climat avec la police avait pu être assez tendu samedi dernier. On sait définitivement que ni les gilets jaunes, ni toute personne en général, ne voit le monde qui l’entoure avec les yeux de Christophe Castaner. Mais quand même, sans avoir une longue mémoire de manifestation poitevine, la manif n’a pas démarré, qu’on part déjà sur les chapeaux de roue. Avec une scène rocambolesque de cette pauvre place d’armes encerclée par les C.R.S. Ça pose le ton, et le décalage de deux réels, aussi. Peut-être que ce n’était pas rassurant, mais, de vous à moi, c’était surtout un peu ridicule, même si ça ne fait pas vraiment rire.

En attendant le départ, on voit passer des pancartes, des distributions de tracts. Des paroles de chanson, pour ceux qui chanteront avec la « poussette jaune », m’explique la dame qui distribue.

Ce sont les paroles du Chant des partisans, réécrites magnifiquement par les gilets jaunes de Commercy : « Ami,entends-tu le vol noir de la finance sur nos paies »… Sans aller jusqu’à me proposer de rejoindre la chorale, malgré le regard interrogateur de la gilet jaune, je me réjouis que cette version gilet jaune se propage dans les rues et les ronds-points de la Vienne. Et surtout que, d’une manière générale, les chants populaires, aient toujours leur place dans les mouvements insurrectionnels. Et pas la plus anodine. J’attends avec impatience une réécriture de la Carmagnole ou de Ah Ça ira, ça ira (même si, dans les deux cas, il n’y aurait pas grand chose à changer depuis la fin du XVIIIe siècle). Ou des chants communards.

Plus tard, lorsque la marche est bien entamée, la gare passée, deux gilets jaunes au milieu du slogan-phare « Macron-démission », chantonnent aussi un air autour du thème qui nous a amené ici. Un détail ? Non, tout au contraire. Vivement les prochaines reprises.

Bien sûr, les dernières images de la rencontre rappellent à l’ «ordre», cette valeur que notre président de la République appelait de ses vœux lors de son allocution du 31 décembre. Mais, loin d’empêcher un acte XI fort du mélange des gilets jaunes, syndiqués et politiques, on souhaite que Macron, Castaner, et autres hommes tristes, se remémorent juste une petite seconde cette phrase que prononce Gabin dans Le Président (1961) :

« sauf pour les dictateurs et les imbéciles, l’ordre n’est pas une fin en soi. L’ordre n’empêche pas le nombre des chômeurs d’augmenter. Ni le déficit des chemins de fer de s’accroître. Ni les faillites de se multiplier ».

Alice Lebreton

Rédaction

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