Ce début d’année 2025 est l’occasion pour l’association « Prom’Haies » en Nouvelle-Aquitaine (https://www.promhaies.net/) de revenir sur l’activité qu’elle mène au quotidien pour la défense et la promotion des haies dans le milieu rural. (mais pas uniquement, les haies en milieu urbain ont une grande importance également) Et de rappeler qu’au delà des discours, il y a une réalité : le linéaire de haies en France ne cesse de diminuer alors que l’on a jamais autant parlé de leur importance !
Un rapport d’avril 2023 du ministère de l’agriculture tente de dresser un état des lieux et au final, malgré un titre valorisant, « La haie, levier de la planification écologique » , il n’est pas vraiment optimiste… (rapport complet de 116 pages en PDF sur le site du ministère : https://agriculture.gouv.fr/la-haie-levier-de-la-planification-ecologique )
Et d’abord, de quoi parle-t-on ? Il serait déjà indispensable de savoir de quoi il est question quand on parle de « haie » , d’avoir une référence commune comme le souligne le rapport : « De nombreuses définitions de la haie coexistent. Selon le dictionnaire (Larousse, 2013), il s’agit d’un « alignement d’arbres ou d’arbustes marquant la limite entre deux parcelles ou entre deux propriétés. » Selon que l’on soit écologue, agronome, géographe ou même agriculteur, on ne parle pas tout à fait de la même chose !
Où en est-on ?
Comme le note ce rapport page 10 : « Depuis les épisodes de remembrements apparus à partir de 1945, 70 % des haies présentes au début du vingtième siècle auraient disparu soit 1,4 million de kilomètres de haies (Pointereau, 2002).
Selon une estimation de l’AFAC Agroforesteries et de SOLAGRO, la perte annuelle moyenne de 10 400 km/an entre 2006 et 2014 est passée à 23 571 km/an entre 2017 à 2021, malgré une politique de plantation d’environ 3 000 km/an (cf. note de calcul en annexe 7). Ces 23 571 km rapportés à la valeur estimée du linéaire total (Géoportail IGN 2023), représentent une érosion du linéaire de l’ordre de 1,5% par an. »
Dans l’annexe 5 de ce rapport, concernant la « Longueur de haies France entière classées par département » , on apprend ainsi que pour la Vienne, la longueur de haies est de 28 356,5 kms ce qui représente 1,83% (par rapport au linéaire total) pour un nombre de lignes de 283 051.
Sur la carte du département, la moitié nord-ouest est bien plus jaune que le sud-est. Le remembrement des années 60-70 est passé par là et pas uniquement autour de Neuville et Mirebeau.
A noter sur la carte du rapport, page 10 :

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La conclusion du rapport est claire quand aux enjeux et aux réponses à apporter. Conjugaison de politiques publiques fortes à tous les niveaux, de moyens financiers de l’Etat et des collectivités et de formation pour la profession agricole : en clair, on sait quoi faire, y’a plus qu’à…
- La disparition et la dégradation des haies sont des conséquences inéluctables de l’évolution de notre modèle agricole. L’intensification des productions, la régression de l’élevage à l’herbe, la baisse constante du nombre d’agriculteurs avec en corollaire l’augmentation de la taille des exploitations ont fait des haies une contrainte pour l’exploitant agricole.
- Or, si les haies offrent à la collectivité un ensemble de services environnementaux (biodiversité,
séquestration du carbone…), les agriculteurs en assument seuls les charges d’entretien et n’en voient pas les bénéficies à leur niveau. - Pour l’heure, la somme des avantages diffus fournis par la haie ne permet pas d’emporter la décision de l’agriculteur d’en réinstaller ou de les entretenir. Leur valorisation économique, soit directe par la production de biomasse (énergie, litière) soit indirecte via la rémunération des services environnementaux, y contribuera. Des gains avérés et chiffrables en matière de bien-être des animaux, de rendement des cultures, de réduction des intrants, de limitation de l’érosion des sols et des pollutions diffuses permettront d’inverser la tendance.
- Cela passe nécessairement par l’acquisition de références techniques et économiques adaptées aux différents territoires, leur large diffusion, la formation des conseillers et, bien sûr, des agriculteurs.
- Les démarches territoriales, au plus près des agriculteurs et des filières de valorisation, impliquant
les collectivités locales et les différents acteurs doivent être encouragées ; le positionnement des
haies dans l’aménagement du territoire doit être pleinement pris en compte. - La reconquête de la haie dépendra pour beaucoup des moyens que l’État et les Régions pourront
mobiliser pour financer l’animation des projets de territoire et les investissements (plantation, entretien, valorisation…). - Dans le cadre de sa stratégie en faveur de la biodiversité, l’Union européenne s’est engagée à faire
planter au moins 3 milliards d’arbres supplémentaires d’ici à 2030 dans les forêts, mais également
dans les zones agroforestières, agricoles et urbaines. Dès lors, ne serait-il pas pertinent d’accorder
à la haie un rôle aussi important que la forêt dans le cadre de notre Planification écologique et d’y
consacrer des moyens à la hauteur des ambitions annoncées ? - De même, la haie contribuant à la performance environnementale, à l’adaptation des territoires au
changement climatique et à l’amélioration du cadre de vie, le « Fonds vert » pourrait utilement être
mobilisé par les collectivités territoriales et leurs partenaires publics ou privés. - En réponse au défi climatique et à l’effondrement de la biodiversité agricole, la haie constitue un levier important de la Planification écologique.
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On lira avec intérêt la récente publication en BD « Champs de bataille – L’histoire enfouie du remembrement » (de Inès Léraud et Pierre Van Hove chez Delcourt) et ses racines pétainistes méconnues…

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D. Leblanc