Trois vice-présidents de Grand Poitiers se sont vus retirer leur vice-présidence par la présidente de Grand Poitiers, F. Jardin. Il s’agit du maire de droite de Chauvigny, G. Herbert, de l’élu de Poitiers LRM A. Brottier, du maire centriste de Jaunay Clan, J. Neveux, ces deux derniers venant d’être élus au Conseil départemental aux dernières élections*.

On pourrait penser qu’il n’y a là que chamailleries et bisbilles politiciennes mues par les égos des un-es et des autres.

Dans les faits, cet épisode qui intéresse peu d’habitant-es de Grand Poitiers, pose des problèmes de fond.

De 13 à 40

La loi « Notre » voulue par F. Hollande obligeait au regroupement des Régions en grandes Régions, d’où la création de la Nouvelle Aquitaine. Dans le même sens, la loi obligeait à la fusion de plusieurs Communautés de communes. Grand Poitiers d’avant la loi se composait de 13 communes. Après la loi, il y en eut 40 par intégration notamment des communautés de communes de Chauvigny et de Jaunay Clan. Mais ce nouveau regroupement est un « machin » sans cohérence ni économique ni bassin de vie. En effet, comment justifier que des communes à quelques kilomètres au sud de Poitiers (Vivonne, Smarves, etc.) ne fassent pas parties de Grand Poitiers (logement, culture, transports…) alors que La Puye, le village le plus éloigné de Poitiers, en fasse partie ?

Ce nouveau Grand Poitiers fut soutenu à l’époque par l’équipe d’A. Claeys, ancien maire socialiste de Poitiers et président de Grand Poitiers à 13, qui obtint en compensation le statut de « Communauté urbaine » qui déclenche des recettes fiscales et des dotations de l’État plus importantes.

Un autre problème de ce regroupement est le poids très inégale des communes puisque le nombre de Conseiller-es communautaires dépend du nombre d’habitant-es avec comme seuls garde-fous que chaque commune dispose au minimum d’un siège et aucune commune ne peut avoir plus de la moitié des sièges. Or nous nous trouvons sur un territoire à la fois très urbanisé et très rural.

L’éviction des « hommes forts » de Chauvigny et Jaunay Clan va redoubler l’absence de cohérence au sein de la Communauté, d’autant que deux des trois évincés de la vice-présidence sont élus dans la majorité du Conseil départemental.

Pour rappel, la loi Notre fut menée tambour battant avec le double objectif explicite de réduire la masse salariale des administrations et d’augmenter le PIB des métropoles. Le premier objectif ne fut pas atteint mais a contribué à dégrader les services publics. Le deuxième objectif était totalement illusoire, « un nouvel opium des élites », comme l’avaient démontré les écrits de l’économiste poitevin O. Bouba Olga (voir ici par exemple), basé sur « la mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) » . Cet économiste opposait à la métropolisation une « éloge de la diversité« .

Faire de la politique ?

Il n’existe pas d’élection directe au Conseil communautaire. Alors que la plus grosse partie des compétences et des finances ne passent plus par la commune mais par la communauté de communes, la population ne vote qu’indirectement pour les conseiller-es communautaires à travers les élections municipales. Cette absence de débat politique public que peut offrir le moment électoral minore ainsi la prise de conscience des lieux de pouvoir, éloigne les élu-es des citoyen-nes.

Jusqu’à très récemment et sous la houlette d’Alain Claeys, la politique du Conseil communautaire se faisait en petit comité de quelques maires et conseillers. Les séances du Conseil communautaire étaient marquées par un consensus préalable et l’absence totale de débat hormis les interventions des élu-es d’Osons Poitiers. La politique était rejetée, il n’y avait pas de différence explicite droite/gauche, pas de groupes d’opposition structurés. Or le débat public et contradictoire permet d’éclairer les enjeux des choix politiques auprès des citoyen-nes (et de la presse locale).

L’élection de « Poitiers Collectif » à la mairie de Poitiers a déplacé le centre politique du Conseil communautaire. Le consensus entre libéraux de droite et de gauche est plus compliqué et plus instable. Traditionnellement, l’élu-e de la grande ville préside aux destinés de la Communauté de communes. Tel n’a pas été le choix de la mairie Europe Écologie Les Verts (EELV). F. Jardin, la présidente de Grand Poitiers, proche du Parti Socialiste, apparaît depuis comme un fusible pour protéger la maire de Poitiers (cf mon article « Mairie de Poitiers. La victoire de « Poitiers Collectif », un an après »

L’ancien maire de Poitiers, le socialiste A. Claeys, jette de l’huile sur le feu, appelle la droite à se détourner du consensus d’avec la majorité électorale de Poitiers, intervient quotidiennement dans la presse et se tient en embuscade (cf mon article « A. Claeys va-t-il reprendre la présidence de Grand Poitiers ? « ). Être déchu par le suffrage universel à Poitiers et revenir à la présidence d’un lieu de pouvoir plus important que la mairie, à travers un vote en Conseil Communautaire de Grand Poitiers, voilà qui renforcerait la conviction que la politique est un cercle de « copains et de coquins »

« Poitiers Collectif » semble choisir de se couler dans le système consensuel précédent afin de préserver une majorité d’action. Mais cela provoque des tiraillements géographiques et politiques dont l’éviction des trois vice-président n’est que la face visible. Le choix de ne pas faire de vague, tant au niveau de la mairie de Poitiers qu’à Grand Poitiers, dépolitise les enjeux des décisions, des choix politiques, comme si la gestion des institutions était une affaire technique dépassant le clivage social/libéral, gauche/droite. Cela ne peut que renforcer l’éloignement des citoyen-nes DE LA politique et, par contrecoup, DU politique.

Donc ?

La vie démocratique nécessite un débat public et contradictoire assumé et organisé (notamment par l’existence de partis). Tels ne sont pas les choix opérés par les partis (et les parties) en présence. L’abstention et le désintérêt pour le politique ont de « beaux » jours devant eux.

Toujours pas une bonne nouvelle.

Pascal Canaud

* Erratum : en fait ce sont bien les trois vice-présidents évincés qui sont élus au Conseil départemental dans la majorité

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