Un article de P. Canaud écrit suite au débat organisé par mediapart sur le sujet entre Corman (EELV) et Aubry (LFI). Ci-dessous une invitation à poursuivre le débat.
1. Selon les sondages actuels il y aurait plus de député-es élu-es au Parlement européen avec des listes séparées des partis de la NUPES que dans une liste unie de la NUPES, ce qui, pour tout parti, représentent plus de postes à pourvoir et plus de rentrées financières dans les caisses du parti.
2. D’ores et déjà, pour EELV, l’union ne doit pas prendre la forme de la NUPES aux présidentielles de 2027 car il faudra un autre »périmètre » politique et une autre récit. Il s’agirait, on peut le penser, d’intégrer (dès le premier tour?) l’électorat qui a voté PS jusqu’à Hollande. On retrouve là la ligne qui a été celle de Jadot aux élections présidentielles 2022 à savoir de récupérer l’électorat du PS-Hollande en mettant beaucoup l’accent sur l’écologie et sans proposer de bouleversement au niveau social, ne pas être dans la rupture. C’est cette ligne qui leur a permis de gagner quels grandes villes et pas des moindres. C’est après (2022) que la NUPES a été imposée aux EELV par leur défaite aux Présidentielles. Preuve supplémentaire, la majorité du dernier congrès d’EELV (2023) s’est faite sur l’idée d’une liste autonome aux européennes.
3. Les élections européennes ont ceci de particulier que c’est là qu’EELV réalise ses plus gros scores dans un scrutin national. Traditionnellement on y assiste a une grosse abstention. Les classes populaires qui ont voté Mélenchon ou pour la NUPES aux législatives ne se déplaceront sans doute pas pour des Européennes. Se déplaceront par contre les plus partisan-es de l’Union Européenne telle qu’elle existe et qui ambitionne de la réformer de l’intérieur. On retrouve le souhait de reprendre le vote PS en déshérence et les déçu-es sociaux démocrates de la Macronie.
4. Autant la LFI très sociale a pris récemment et définitivement le tournant écologiste, autant EELV continue de mettre l’accent sur l’écologie avant le social et avant la critique du système capitaliste. On l’a revu encore lors des réactions aux émeutes des quartiers populaires et la discrétion d’EELV sur ce thème.
De plus, la ligne actuelle d’EELV est de se présenter comme la seule organisation politique écologiste (cf les prises de parole de la porte-parole Tondelier qui ne cite plus jamais les autres parti de la NUPES par exemple sur Sainte Soline et autres bagarres). Il y a chez EELV un sentiment de propriété et de primauté politiques des luttes écologistes. D’où le discours pour remettre en selle l’équation « écologie politique=EELV ».
5. La ligne de rupture revendiquée par le parti ayant le plus de député-es NUPES, LFI, n’a pas été validée par les sondages lors de la bagarre pour les retraites. C’est Le Pen qui tire prioritairement les marrons du feu de cette séquence. On peut penser que les dernières émeutes vont accentuer le phénomène.
6. Les élections européennes, sénatoriales et municipales vont servir aux partis de la NUPES à renverser le rapport de force actuel qui était favorable à LFI (Présidentielles de Mélenchon ; succès de la NUPES ; nombre de député-es). En effet, LFI a très peu de maires et encore moins de grandes villes ; les « grands électeurs » des sénatoriales sont d’abord des élu-es ce qui avantage le PS (mais avec beaucoup de contradictions), EELV et, dans une moindre mesure, le PCF. Un accord est déjà conclu entre ces trois partis pour les prochaines Sénatoriales qui exclut de donner ne serait-ce qu’un seul sénateur, sénatrice éligible à LFI.
7. Dans ce contexte, chaque parti de la NUPES lors de la campagne des Européennes mettra l’accent sur les divergences réelles et supposées face à l’Europe. Ce qui veut dire, entre autres choses, que toute tentative de « gentleman agreement » entre listes de gauche est vouée à l’échec. Dans ce cadre, par exemple, LFI et Mélenchon servent de repoussoir pour un certain électorat de « centre gauche » que veulent capter le PS et EELV, ou productiviste que veut capter le PCF.
Il y a une part d’analyse tactique et stratégique qui m’apparaît risqué.
8. Un Président de la République a mille fois plus de pouvoir au niveau européen que l’ensemble des élu-es d’un pays au parlement européen. Comment justifier alors l’unité de la gauche aux élections présidentielles de 2027 quand, dans le même temps et auparavant, on a exacerbé les divergences réelles et supposées sur l’Europe lors des élections européennes ? Qu’on n’a pas fait d’accord aux Sénatoriales ? Qu’au niveau des élections municipales tout se fera au cas par cas ?
9. Face à la montée de l’extrême droite politique et médiatique, face aux « front républicain » inversé où la droite (LREM, LR) et l’extrême droite s’allie pour faire barrage à la gauche, on peut penser que le premier parti voté aux Européennes sera le RN. Dès lors, comment penser que passera pour une victoire la somme des élu-es des partis NUPES qui se sont présentés divisés sur des listes concurrentes à gauche ?
10. Le blocage de la démocratie parlementaire (cf. les retraites), la désignation des « pas blancs catholiques » comme ennemi des « français » ; le refus de tout dialogue social notamment avec les syndicats ; le séparatisme des immensément riches qui ne veulent plus rien redistribuer quoi qu’il en coûte au niveau social, misère, racisme et violences, tout cela ne peut que provoquer d’autre explosions sociales et d’autres drames avant 2027.
11. Il me semble qu’au cœur de l’abandon de l’unité de la NUPES il y a la traditionnelle opposition à un programme de rupture avec ce système. Comme précédemment, la majorité de la population et du « peuple de gauche » risque de rester, encore une fois, gros-Jean comme devant.
P. Canaud